Le secret ? Il n’y en a pas. Célébrer la fête. Sauter la barrière et courir. Que le cocon se dévide. Que m’arrive cette chose que je cesserai de sentir à mesure qu’elle m’arrivera.
Une voix qui semble avoir inventé l’éternité, et vouloir prendre l’éternité seulement pour raconter son histoire – mais qui ne rend compte au fond que d’elle-même. Jalonnée d’arrêts, de pauses, parce que habituée à son esseulement, elle n’a pas à se précipiter ayant tant attendu ; et puisque parler ou ne pas parler, c’est aussi la même chose à la fin, la chose rien moins que nécessaire quand on le sait.
On vit son malheur toujours seul.
L’orgueil. L’orgueil à jamais invaincu, à jamais indompté. J’ai voulu sourire. Mais la pâle éclosion qui m’a paru effleurer mes lèvres, je l’ai sentie s’éteindre aussitôt comme un aveu d’impuissance. J’ai courbé le front. Une violente rancune s’engouffrait dans ma poitrine ; une horreur, une hostilité sans nom. Je me suis forcée pourtant à relever la tête.
Ce peuple qui s’endort très vite est aussi un peuple qui se réveille brusquement. Qui pourrait dire ce qui fermente dans les recoins obscurs de sa conscience en cet instant précis ? Alors il nous faut veiller. Nous ne devons jamais laisser passer le temps de faire une chose – de ramener l’ordre là où il semble menacé, avant même qu’il le soit.
– J’en conviens, il y a beaucoup de choses à aimer sur terre.
– Tu veux dire à adorer.
– La femme, dis-je intentionnellement.
– Les femmes ! rectifie-t-il. Chacune avec sa beauté, chacune avec son mystère, qui n’est pas illusion.
On peut exercer sa pensée sur tout mais pas sur l’infini. L’objet, oui ; surtout l’objet aimé. Le pouvoir, oui. Le sexe, oui. La mort, oui. Mais l’immanent ?
Le mensonge est la plus féconde de nos activités, et c’est la raison qui en fait aussi un jeu un peu tragique. Dans la mesure où nous y risquons cette même intégrité que nous voulons sauver, c’est certain ! Car le menteur, le simulateur, prétend être celui qu’il n’est pas…
… le malheur avec les Occidentaux, c’est qu’ils en sont arrivés à penser que la civilisation est tout ce qui est bon pour eux ; ils s’enferment dans le confort qu’elle leur procure comme dans un bastion fortifié et hors duquel un cataclysme même ne saurait les tirer que pour les emporter avec leur refuge…
Au prix de combien de souffrances, de sacrifices, ce pays aura été ce qu’il est devenu, nos fils risqueront de l’oublier. Il serait bon que quelqu’un le leur rappelle de temps en temps, que quelqu’un le leur dise. Car s’ils l’oublient… Ah, il n’a pas été fait sans peine. S’ils l’oublient… mon Dieu, ce ne sera peut-être pas bien grave. Mais peut-être que si. Peut-être que ce sera le signe que quelque chose commence à aller mal chez eux sans qu’ils s’en doutent. Il serait bon alors que quelqu’un soit là pour le leur rappeler.