Je prendrai leur toxine, se dit-il, et j'irai devant les tribunaux poursuivre ces crapules pour les beaux yeux de Léo. Je lui dois bien ça. Mais je ne retournerai pas sur la Terre. Je me débrouillerai ici ou alors nulle part. Avec Anne Hawthorne, si possible, ou sinon tout seul, ou avec quelqu’un d'autre. Je vivrai selon la loi de Doberman, comme Faine l'a prédit. Mais n'importe comment ce sera ici, sur cette pauvre planète, cette "terre promise". Dès demain matin, se promit-il, je déblaierai le sable de cinquante mille siècles pour créer mon premier jardin potager. C'est par là qu'il faut commencer.
Vous n’ignorez pas que mon E-thérapie m’a gratifié d’un énorme lobe frontal.
Le K-Priss nous permet de passer d’une existence à l’autre, d’être un insecte, un professeur de physique, un faucon, un protozoaire, une moisissure, une péripatéticienne dans le Paris de 1904, ou… — Ou même un gluck.
Il a divorcé il y a deux ou trois ans et ne s’en est jamais remis. Vous comprenez, sa femme est tombée deux fois enceinte, et le conseil d’administration de son immeuble, le 33 si je ne m’abuse, s’est réuni pour voter leur expulsion, pour avoir enfreint le règlement des lieux. Bon, vous connaissez le 33 ; vous savez combien il est difficile d’accéder à des immeubles au numéro si bas. Eh bien, plutôt que d’abandonner son conapt, il a préféré demander le divorce et la laisser partir avec leur gosse.
À bientôt, dans ce que les néochrétiens appellent l’enfer. Probablement pas avant. À moins, et cela n’a rien d’impossible, que nous ne nous y trouvions déjà.
(J’ai Lu, p. 141)
Barney Mayerson se réveilla la tête comme prise dans un étau, pour découvrir autour de lui une chambre inconnue, dans un immeuble de conapts qui ne lui disait absolument rien. À côté de lui, les couvertures remontées jusqu’à ses épaules nues, dormait une fille qu’il ne connaissait pas, la bouche entrouverte et la tête auréolée d’une cascade de cheveux d’un blanc cotonneux.
(incipit)
A vrai dire, ils n'avaient réussi que grâce à la bonne vieille méthode, l'unique : la drogue apportée par les pourvoyeurs furtifs. C'est grâce au D-Liss que tout était possible ; ils continuaient à ne pas pouvoir s'en passer. Ils n'étaient libres en aucune façon. Tandis que les genoux de Fran enserraient ses flancs nus, il se dit : Et en aucune façon nous ne voulons être libres.
Est ce qu'une réalité sordide ne vaut pas mieux que la meilleure des illusions ?
Ces éclairs de lucidité qu'on a parfois sont toujours orientés dans un seul sens. Ils visent droit au cœur. Et ils sont empoisonnés.
— Est-ce que ça a marché ? Est-ce qu’il… (elle désigna la valise) a réussi à te rendre malade ? Barney se tourna vers l’extension portative du Dr Sourire.
— Qu’est-ce que vous en dites ?
La valise répondit :
— Malheureusement vous êtes encore tout à fait apte au service, Mr Mayerson. Vous êtes capable de supporter dix Freuds de tension mentale. J’en suis navré. Mais il nous reste plusieurs jours ; nous ne faisons que commencer.