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Critique de Erik35


CHOISI TON CAMP, CAMARADE !

Les éditions folio proposent, depuis quelques années déjà, une collection d'ouvrages classiques brefs (une sélection de nouvelles, un chapitre notoire, etc) à un prix défiant toute concurrence. Bien entendu, les amateurs d'oeuvres intégrales seront sans doute frustrés par cette méthode mais elle a l'avantage de faire découvrir des textes méconnus ou d'auteurs injustement oubliés, et on ne peut que se féliciter de cette louable intention.

En l'occurrence, voici trois nouvelles d'un recueil plus vaste - important, certes, mais moins que son célèbre Ubik, que Minority report, Blade runner ou encore Les maîtres du haut château, pour ne citer que trois titres parmi les plus connus d'un des génies incontesté de la SF américaine... Et mondiale ! -, recueil original intitulé Paycheck.

Trois courtes (trop courtes, tant on en redemande) nouvelles, donc.

La première, qui donne son nom à l'ensemble, est de type apocalyptique, au cours de laquelle une famille américaine moyenne se retrouve menacée jusque chez elle, en plein petit déjeuner, par d'étranges soldats, tout aussi étrangement recouverts de tenues de protection antiradiations ; militaires violents qui les menacent et accusent de choses tout aussi invraisemblables que parfaitement incompréhensibles à nos héros moyens et vraiment malgré eux. Jusqu'à l'arrivée d'un mystérieux et lugubre "Polit", appelé en renfort...
Où il est question de choix impossibles et d'épée de Damoclès.

La seconde, d'une drôlerie surréaliste irrésistible, s'intitule sobrement "Une petite ville". On y croise un mari malheureux et trompé par sa femme, employé sans envergure et sans avenir, totalement épris de sa passion : les chemins de fer miniatures et la reconstitution à l'échelle de sa petite ville cossue des environ de San Fransisco. Mais un petit rien va faire défaillir notre homme. En l'espace de trente-six heures, c'est toute la vie de cet homme qui va basculer et, un peu à la manière de cette excellente série des années 60', la "Cinquième dimension", après cette dernière nuit, plus rien ne sera comme avant ! On pourrait tout aussi bien se trouver dans l'une des merveilleuses et loufoques nouvelles d'un Italo Calvino ou d'un Dino Buzzati tant la plume et l'intrigue sont dignes des plus grands auteurs de "littérature classique".

La dernière des trois nouvelles est une dystopie aussi délirante que glaçante. Jugez-en : le gouvernement est devenu mondial et les élections pour son renouvellement sont proches. Désormais, seuls deux partis ont le droit de cité. Les puristes, qui préconise un monde sans aucune odeur corporelle ni trace de délabrement lié à l'âge ou au mauvais entretien du corps, que ce soit lié à une mauvaise haleine, à une transpiration importune, à une denture défectueuse ou encore à une implantation capillaire essaimée... Les naturalistes réclament le droit à laisser se maintenir tout ce qui est "animal" dans l'être humain, tout ce qui lui vient, inexorablement, de la nature. Seuls ont le droit de vote les adhérents à l'un ou l'autre parti. Et il y a Don Walsh. Don ne choisit pas entre ces deux extrêmes-là. Non qu'il ne puisse le faire, mais il ne VEUT pas prendre parti entre ce qu'il estime - on peut le comprendre - n'être que des futilités absolument abracadabrantes. Mais l'heure n'est déjà plus à ce genre de liberté-là. le "I would prefer not to" du fameux Bartleby créé par Hermann Melville est devenu hors-la-loi. Don va s'en apercevoir très vite et un peu tard. Trop tard ?

Trois petits chef-d'oeuvres d'humour, de lucidité aussi, sur notre monde, sur ce qu'il pourrait advenir de lui, trois moments de cynisme bien amené, sans désespoir outrancier mais sans naïveté illusionné sur l'humanité et ses enjeux, ses choix et ses renoncements. Ce bref (trop bref) avant-goût ne saurait provoquer qu'une seule chose chez tout lecteur raisonnable : courir au plus vite chez son libraire et acquérir le recueil intégral !
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