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Citations sur La petite Dorrit - Un conte de deux villes (16)

M. Arthur Clennam prit son chapeau, boutonna son habit et sortit. À la campagne, la pluie eût développé mille fraîches senteurs, et chaque goutte brillante eût réveillé dans l’esprit du promeneur, sous quelque belle forme, l’idée de la végétation et de la vie. Dans la grande ville, elle ne développa que des odeurs rances et infectes, dont elle portait l’offrande aux ruisseaux de Londres en un tribut malsain, tiède, sale et ignoble.
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Nous n’apprendrons rien à personne en disant que le ministère des Circonlocutions est le plus important des ministères. Tout le monde sait cela. Nulle affaire publique, de quelque nature qu’elle soit, ne peut, sous aucun prétexte, faire un pas sans le consentement du ministère des Circonlocutions. Il faut toujours qu’il mette la main à la pâte dans les affaires publiques, soit qu’il s’agisse d’une énorme brioche ou d’un petit gâteau. Il est également impossible de faire l’acte le plus légal ou de redresser le tort le plus évident sans la permission expresse du ministère des Circonlocutions...
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Mme Général n’avait pas d’opinion. Sa méthode pour former l’esprit d’une élève consistait à empêcher cette élève de se former des opinions. Elle avait un tas de petits rails intellectuels sur lesquels elle lançait ses petits trains chargés des opinions d’autrui, lesquels ne se rattrapaient jamais et n’arrivaient jamais à une station quelconque. Malgré son sentiment excessif des convenances, Mme Général elle-même ne pouvait nier qu’il existe dans ce bas monde des choses et des idées inconvenantes ; mais Mme Général trouvait moyen de s’en débarrasser en les mettant de côté et ayant l’air de n’y pas croire. Un autre des procédés qu’elle avait inventés pour former l’esprit, consistait à serrer toutes les difficultés au fond d’une armoire, afin de pouvoir mieux se faire l’illusion qu’elles n’existaient pas. C’était certainement la manière la plus commode de se tirer d’affaire, et, dans tous les cas, la plus convenable.
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Mais quand un jour doit venir, il finit toujours par arriver ; comme le jour de ce mariage devait arriver, il vint à son tour, et avec lui tous les Mollusques invités au repas de noce.

Il y avait M. Tenace Mollusque, du ministère des Circonlocutions et de la rue des Écuries (Grosvenor-Square), avec la coûteuse Mme Tenace Mollusque, née Des Échasses (grâce à laquelle les jours d’émargement semblaient toujours en retard), et les trois non moins coûteuses Mlles Tenace Mollusque, chargées jusqu’à la gorge de talents d’agréments, prêtes à partir à la première offre matrimoniale, et qui néanmoins ne partaient pas avec toute la rapidité d’explosion qu’on devait naturellement attendre d’armes si bien préparées ; car, au contraire, elles avaient tout l’air de faire long feu comme de vieux pistolets rouillés. Il y avait Mollusque jeune, également attaché au ministère des Circonlocutions, et qui avait laissé ce jour-là le Tonnage de sa patrie, dont il était censé être le protecteur immédiat, et qui, je suis heureux de le dire, ne perdit rien à se tirer d’affaire lui-même en l’absence de son jeune protecteur. Il y avait l’aimable petit Mollusque, attaché au secrétariat du ministère des Circonlocutions, qui prenait gaiement et agréablement la choses, assistant à ce mariage comme s’il se fût agi de remplir une des formalités officielles du ressort du département chargé de tout entraver. Il y avait trois autres jeunes Mollusques attachés à trois autres ministères, insipides à tous égards, et qui auraient eu grand besoin d’être mis à la sauce piquante ; ils étaient venus là comme ils seraient allés voir le Nil, Rome, la nouvelle chanteuse ou Jérusalem.

Mais il y avait un gibier autrement imposant que ce menu fretin. Il y avait lord Decimus Tenace Mollusque en personne, en odeur de Circonlocutions, tout parfumé des senteurs de maroquin des boîtes à dépêches. Oui, lord Decimus en personne, ce grand homme qui avait atteint le faîte des hauteurs officielles sur les ailes d’une seule phrase indignée : « Mylords, il me restait encore à apprendre qu’il importe au ministre d’une nation libre de mettre des bornes à la philanthropie, de restreindre la charité, d’entraver l’ardeur publique, d’imposer des limites à l’esprit d’entreprise, de porter atteinte au courageux esprit d’initiative des membres de cette nation. En d’autres termes, cet illustre homme d’État s’étonnait d’avoir encore à apprendre qu’il importait au pilote d’un navire de faire autre chose que de veiller à la prospérité de son trafic personnel, quand il avait un équipage pour travailler à la pompe, et à empêcher le navire de couler sans qu’il s’en occupât. Grâce à cette découverte sublime, lord Decimus avait porté à son apogée la gloire de la famille Mollusque. Que quelque membre malappris s’avisât, dans l’une ou l’autre chambre, d’essayer de faire quelque chose, en présentant un bill à cet effet, ce projet de loi était enterré du coup lorsque lord Tenace Mollusque se levait et disait de sa place, d’un ton solennel devenant de plus en plus majestueusement indigné à mesure que les bravos ministériels retentissaient autour de lui : « Il me restait encore à apprendre, Mylords, qu’il importe au ministre d’une nation libre de mettre des bornes à la philanthropie, de restreindre la charité, d’entraver l’ardeur publique, d’imposer des limites à l’esprit d’entreprise, de porter atteinte au courageux esprit d’initiative des membres de cette nation. » La découverte de cette serinette était tout bonnement celle du mouvement perpétuel en politique. Elle ne s’usait jamais, bien qu’on en tournât et retournât sans cesse la manivelle dans tous les ministères de l’État.

Il y avait encore, à côté de son noble ami et parent lord Decimus, il y avait ce William Mollusque, qui avait formé une si mémorable coalition avec Tudor Des Échasses, et qui avait aussi inventé une nouvelle recette pour tout entraver, dont il était toujours prêt à se servir. Son système consistait à demander s’il y avait un précédent pour tel ou tel fait. Quelquefois il s’adressait au président avec un : « D’abord je vous prierais, monsieur, de vouloir bien dire à la chambre s’il existe le moindre précédent qui justifie la mesure dans laquelle l’honorable préopinant voudrait nous précipiter. » D’autres fois il demandait directement à l’honorable préopinant d’indiquer quel précédent il avait à leur offrir. D’autres fois encore, il annonçait à l’honorable préopinant que lui (William Mollusque) se donnerait la peine de rechercher s’il existait un précédent. Souvent, enfin, il écrasait du coup l’honorable préopinant en lui annonçant qu’il n’existait aucun précédent. Mais ces deux mots, précédent et précipiter étaient, en toute circonstance, les doux chevaux de bataille de cet habile circonlocutioniste. Il y avait vingt-cinq ans que l’infortuné et honorable préopinant essayait, toujours en vain, de précipiter William Mollusque dans telle ou telle mesure ; c’est égal… William Mollusque continuait à demander à la chambre (il ne se souciait guère de le demander au pays), si on croyait qu’il allait se laisser précipiter dans telle ou telle mesure. Peu importait à William Mollusque qu’il fût matériellement impossible que l’infortuné et honorable préopinant pût citer un précédent quelconque, il n’en continuait pas moins à remercier l’honorable préopinant de ses bravos ironiques et à l’achever en lui disant à son nez et à sa barbe qu’il N’Y AVAIT PAS de précédent pour justifier telle ou telle mesure. Peut-être pourrait-on objecter que la sagesse de William Mollusque n’est pas une sagesse d’un ordre bien élevé, attendu que si rien ne doit se faire sans précédent, il est clair que le monde, dont les Mollusques se moquaient sans vergogne, n’aurait jamais été créé ; ou bien, que s’il eût été créé par suite de quelque étourderie, il aurait marché tout de travers. Mais le substantif précédent et le verbe précipiter accouplés ensemble suffisaient pour effrayer la plupart des gens.

Puis il y avait un autre Mollusque, un Mollusque très-agile, qui avait sauté à travers vingt places en un rien de temps, qui occupait toujours deux ou trois sinécures à la fois, et qui était l’inventeur respecté d’un procédé admirable qu’il employait avec beaucoup de succès au bénéfice de tous les gouvernements Mollusques. Ce procédé consistait, lorsqu’on lui adressait une question parlementaire sur un sujet quelconque, à répondre sur toute autre chose. Ce système de coq-à-l’âne avait rendu de très-grands services et avait valu au spirituel inventeur l’estime du ministère des Circonlocutions. (T1 Chap34)
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C’était un rêveur qu’Arthur, car il y avait chez lui une foi profonde dans toutes les bonnes et douces choses dont son existence avait été dépourvue. Élevé dans des idées basses et rapaces, c’était cette foi honnête qui l’avait sauvé et qui avait fait de lui un homme honorable et généreux. Élevé durement et sévèrement, c’était encore cette foi obstinée qui l’avait sauvé, en lui donnant un cœur chaleureux et sympathique. Élevé dans ces croyances sombres, dont l’audace fabrique, à la place d’un Dieu qui a fait l’homme à son image, un Créateur fait à l’image d’un faible mortel, c’était toujours cette foi bienfaisante qui l’avait sauvé, en lui apprenant à ne pas condamner les autres, à garder un cœur humble et miséricordieux, à pratiquer l’espérance et la charité.

C’était encore, grâce à cette foi salutaire, qu’il avait échappé à la faiblesse pleurnicheuse, à l’égoïsme étroit qui aurait pu lui faire croire que tel bonheur ou telle vertu qui ne s’étaient pas trouvés sur son chemin limité, ou qui ne lui avaient pas réussi, ne rentraient pas dans le grand dessein de la Providence, et qu’on pouvait les décomposer par l’analyse en éléments grossiers et vils. Sans doute, il avait été désabusé de bien des illusions, mais son esprit trop ferme et trop sain pour vivre dans une atmosphère si insalubre, tout en le laissant en proie à la tristesse de ses sombres pensées, n’en était pas moins capable de chercher et d’aimer la lumière, et d’en saluer le bienfait lorsqu’il la retrouvait chez les autres.
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Se rappelant ces vieilles rumeurs et y associant l’idée plus récente de M. Pancks, Arthur Clennam se sentait assez disposé à croire en ce moment, sans toutefois en être parfaitement convaincu, que le dernier des patriarches était bien, en effet, un nigaud sans initiative, qui n’avait d’autre mérite que de polir la partie chauve de son crâne ; et que, pareil à un lourd navire qu’on voit lutter péniblement pour remonter le courant de la Tamise, se présenter en travers, la poupe en avant, rester gêné lui-même et gêner les autres vaisseaux, tout en se donnant des airs d’activité maritime, jusqu’à ce qu’un petit vapeur enfumé vienne soudain s’en emparer, le traîner à la remorque et l’emmener d’un air affairé ; de même le pesant patriarche se laissait guider par le poussif M. Pancks et suivait à la remorque ce sale petit bâtiment. (Chap13)
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