Citations sur Lettres sur les Aveugles à l'usage de ceux qui voient (8)
Les signes extérieurs de la puissance qui nous affectent si vivement, n'en imposent point aux aveugles. Le nôtre comparut devant le magistrat comme devant son semblable. Les menaces ne l'intimidèrent point. "Que me ferez-vous? Dit-il à M. Hérault. - Je vous jetterai dans un cul de basse-fosse, lui répondit le magistrat. - Eh! Monsieur, lui répliqua l'aveugle, il y a vingt-cinq ans que j'y suis." Quelle réponse, madame! Et quel texte pour un homme qui aime autant à moraliser que moi! Nous sortons de la vie comme d'un spectacle enchanteur; l'aveugle en sort ainsi que d'un cachot: si nous avons à vivre plus de plaisir que lui, convenez qu'il a bien moins de regret à mourir.
Il a la mémoire des sons a un degré surprenant
L’unité pure et simple est un symbole trop vague et trop général pour nous. Nos sens nous ramènent à des signes plus analogues à l’étendue de notre esprit et à la conformation de nos organes. Nous avons même fait en sorte que ces signes pussent être communs entre nous, et qu’ils servissent, pour ainsi dire, d’entrepôt au commerce mutuel de nos idées. Nous en avons institué pour les yeux, ce sont les caractères ; pour l’oreille, ce sont les sons articulés ; mais nous n’en n’avons aucun pour le toucher, quoi qu’il y ait une manière propre de parler à ce sens, et d’en obtenir des réponses. Faute de cette langue, la communication est entièrement rompue entre nous et ceux qui naissent sourds, aveugles et muets.
Elle ne se souciait pas de voir, et un jour que je lui en demandé la raison,
C’est me répondit elle, que je n’aurais que mes yeux au lieux que je jouis des yeux de tous ; c’est que,par cette privation, je deviens un objet continuel, d’intérêt et de commisération, à tous moment, on m’oblige, et à tous moment je suis reconnaissante. Hélas ! si je voyais, bientôt on ne s’occuperait plus de moi.
Vous allez voir, par l’examen que j’en ferai, combien ceux qui ont annoncé que l’aveugle-né verrait les figures et discernerait les corps, étaient loin de s’apercevoir qu’ils avaient raison ; et combien ceux qui le niaient avaient de raisons de penser qu’ils n’avaient point tort.
Un phénomène est-il, à notre avis, au-dessus de l’homme ? nous disons aussitôt : c’est l’ouvrage d’un Dieu ; notre vanité ne se contente pas à moins. Ne pourrions-nous pas mettre dans nos discours un peu moins d’orgueil, et un peu plus de philosophie ?
Quand il dit : cela est beau, il ne juge pas ; il rapporte seulement le jugement de ceux qui voient : et que font autre chose les trois quarts de ceux qui décident d’une pièce de théâtre, après l’avoir entendue, ou d’un livre, après l’avoir lu ?
Si vous voulez que je croie en Dieu, il faut que vous me le fassiez toucher.