Le liseur du 6h27

« T’es pas fait pour ça, petit. Tu ne le sais pas encore, mais t’es pas fait pour ça! »
Il savait de quoi il parlait le vieux, lui qui n’avait rien trouvé de mieux que le rouge étoilé pour se donner le courage de continuer. Guylain ne l’avait pas écouté, croyant naïvement que la routine finirait par tout arranger. Qu’elle allait lui envahir l’existence comme un brouillard d’automne et lui anesthésier les pensées. Mais malgré les ans, la nausée revenait toujours à l’assaut de sa gorge à la vue de l’immense mur d’enceinte sale et décrépi. Derrière, se terrait la Chose, bien à l’abri des regards. La Chose qui l’attendait.

je ne sais pas ce qui m'a poussée à accepter. Peut être l'enthousiasme indéfectible de Josy. Ou alors cette parcelle de petite fille qui attend toujours son prince charmant et qui fait que je balance de temps à autre une pièce dans la fontaine?

Quand Giuseppe préparait un plateau c'était toute l'Italie qui tombait dans votre assiette. Après une anchoïade servie avec son fagot de gressins torsadés, le tout accompagné d'un verre de prosecco, suivit une pleine assiettée de scattoni au jambon cru arrosée d'un Lacryma Christi Rosso. Guiseppe se plaisait à lui rappeler que s'enivrer avec les larmes du Christ était la plus belle chose qui puisse arriver à un chrétien.
Guylain se surprit à oublier pour un temps le goût du carton bouilli terré dans ses papilles.