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Citations sur Pèlerinage à Tinker Creek (19)

La première semaine de Janvier n'a pas encore pris fin, et j'ai dans la tête des projets grandioses. Je n'ai pas cessé de penser à l'idée de voir. Il y a des tas de choses à voir, des cadeaux sans emballage, et des surprises gratuites. Le monde est généreusement clouté, parsemé de petites pièces lancées de tous côtés d'une main généreuse. (...) Mais si l'on cultive une saine pauvreté, une robuste simplicité, de sorte que trouver un sou fasse littéralement le bonheur du jour, alors, puisque le monde est, de fait, semé de sous, avec votre pauvreté, vous venez de vous offrir toute une vie de journées de bonheur. C'est aussi simple que cela. On n'a que ce qu'on voit.
(...) Maintenant, ce sont les oiseaux que je vois.
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Surgie du ciel qui s'assombrissait, une petite tâche apparut, puis une autre, et encore une autre. C'étaient les étourneaux qui regagnaient leurs dortoirs. Ils se rassemblaient dans les profondeurs du ciel, chaque vol passant dans l'autre comme à travers un crible, et ils dérivaient vers moi en spires transparentes, pareils, à des volutes de fumée.
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Aujourd'hui, c'est un des merveilleux ciels de janvier, nuages par-ci, ciel bleu par-là, où la lumière choisit inopinément de peindre en doré un bout de paysage, que l'ombre, ensuite, vient balayer. Tu sais que tu es bien en vie. Tu allonges démesurément ton pas pour essayer d'éprouver, dans l'arc qui sépare tes deux pieds, la rotondité de la planète. Kazantzakis dit que lorsqu'il était jeune il avait un canari et un globe. Quand il libérait le canari, l'oiseau allait sur percher sur le globe et chantait. Et toute sa vie durant, en parcourant la terre, Kazantzakis eut ce sentiment d'avoir dans la tête, perché tout en haut de son esprit, un oiseau qui chantait.
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L’oiseau moqueur qui, chaque année niche dans le sapin de la cour de devant, a l’habitude de pousser sa chanson depuis les lieux les plus élevés, et parmi ces lieux-là, il y a ma cheminée. Quand il chante de là-haut, le conduit de la cheminée fait caisse de résonance, comme le vide soigneusement dosé à l’intérieur d’un violoncelle ou d’un violon, et les accents de la mélodie y gagnent une plénitude qui se réverbère dans toute la maison.
Il chante d’abord une phrase, et la répète exactement ; puis, il en invente une autre, et la répète de la même façon, puis une troisième. L’inventivité du moqueur est sans limites ; il répand la nouveauté autour de lui, avec la désinvolture d’un dieu.

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Moi, j'ai lu quelque part que tout ce qui vit le doit à une force généreuse, et danse au rythme d'une impérieuse mélodie ; j'ai lu ailleurs que tout est semé au hasard, et précipité dans le vide, que chaque arabesque suivie d'un grand jeté que chacun de nous exécute n'est que folle variation sur une commune chute libre.
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Je vis près d'une rivière qui s'appelle Tinker Creek, dans une vallée des Montagnes Bleues, en Virginie. On nomme parfois l'ermitage d'un anachorète un ancrage ; certains de ces ancrages étaient de simples abris amarré au flanc d'une église comme une balance à son rocher. Cette maison, ma maison, cramponnée sur la rive de Tinker Creek, me fait penser à l'un de ces ancrages. Oui, c'est bien ancrée au fond rocheux de la rivière qu'elle me retient, c'est ainsi qu'elle me tient, stable dans le courant, à l'ancre pour ainsi dire, face au torrent de lumière qui se déverse. Il fait bon vivre, sans cette maison ; on y pense à des tas de choses. Les rivières - la Tinker et la Carvin - c'est un mystère actif, à chaque instant renouvelé. C'est le mystère de la création permanente, et de tout ce que providence implique : incertitude de toute vision, horreur du définitif, dissolution du présent, ce caractère complexe de la beauté, la force irrépressible de la fécondité, cette présence insaisissable de tout ce qui est libre, et le défaut, enfin, de toute perfection. Du côté des montagnes, le Mont Tinker et le Mont Brushy, la Butte de Mc Afee et la Montagne de l'Homme Mort, c'est le mystère passif, le plus ancien de tous. Il s'agit là du seul et unique mystère, du simple mystère de la création à partir de rien, mystère de la matière proprement dite, mystère de toute chose, mystère de l'évidence. Les montagnes sont gigantesques, paisibles, elles vous absorbent. Il arrive que l'esprit s'exalte et s'installe au coeur d'une montagne, et la montagne le retient lové dans ses plis, sans le rejeter comme le font certaines rivières. Les rivières, voilà le monde dans ce qu'il a d'excitant, le monde dans toute sa beauté ; moi, c'est là que je vis. Mais les montagnes c'est là que j'habite.
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Le temps est pourtant bien la seule chose qui nous ait été donnée, ce temps auquel, de surcroît, nous avons nous-mêmes été livrés. Il nous embarque pour un tour de manège, le temps. Nous n'arrêtons pas de nous réveiller d'un rêve dont nous ne parvenons pas à nous souvenir ; tout surpris, nous jetons un regard circulaire, et nous voilà replongés dans le sommeil, et cela pendant des années de suite. Tout ce que je veux, c'est rester éveillée, garder la tête bien droite, maintenir mes yeux bien ouverts avec des allumettes, avec des cure-dents, avec des arbres.
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D'une manière ou d'une autre, il est difficile d'apercevoir les poissons. J'ai beau passer le plus clair de l'été à traquer les rats musqués, je crois que ce sont surtout les poissons qui cristallisent la qualité de ma vie près de la rivière, et cela à cause de leur mystère même, cette facilité avec laquelle ils se dissimulent. Des poissons qui fraient en troupes serrées, un banc de poissons, cela fait trop, c'est horrible ; en revanche, je me détournerai de mon trajet si j'espère apercevoir trois ouïes-bleues immobiles, ensorcelées au fond d'un trou, ou montant vers des bulles ou des pétales flottés.
Il suffit de décider qu'on va essayer de voir des poissons pour que cela devienne quasiment impossible.
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Cette créature, disais-je donc, je l'ai payée vingt-cinq cents. Je n'avais jamais acheté d'animal auparavant. Ca s'est passé très simplement ; je suis allée dans une boutique de Ronaoke qui s'appelle "Au Chouchou Aqueux" ; j'ai tendu ma pièce au monsieur, et lui, m'a tendu un sac en plastique fermé par un noeud, tout gonflé d'eau, dans lequel flottait une plante verte, et nageait le poisson rouge. Ce poisson, qui ne vaut pas quatre sous, possède un intestin avec ses anses, une épine dorsale d'où rayonnent de fines arêtes, et un cerveau. Juste avant de saupoudrer ses flocons dans son bocal, je donne trois petits coups secs sur le rebord du col; maintenant, il s'est conditionné, et il monte à la surface quand il m'entend frapper. Il est de plus nanti d'un coeur.
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Aujourd'hui encore, certains scientifiques réputés ne sont pas parfaitement convaincus que le chant des oiseaux correspond strictement à une revendication territoriale et rien d'autre. La question est d'importance. Nous sommes sur terre depuis tant d'années, et nous ne savons toujours pas au juste pourquoi les oiseaux chantent.
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