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Bienvenue à Las Végas, au Positano Luxury Resort Hotel & Casino. Dario Diofebi exploite le lieu en fouillant quatre personnages dans un premier roman ébouriffant, construit admirablement avec une bombe en point d'orgue. BOUM ! du grand spectacle en IMAX pour un roman ambitieux.

« Tout était à la fois extraordinaire et insipide».
Il y a dans certaines premières phrases de roman une portée indéniable, entre élan de mystère et appel d'air insondable, elles amorcent en prévenant à peine la plongée dans un univers inextricable. Celle-ci intrigue dans ce prologue qui annonce aussi le point final du Positano Luxury Resort & Casino, bombe et incendie au menu. On la recroisera cette première phrase, au paroxysme du roman dans un climax inouï, après avoir fait connaissance avec les protagonistes.

« Nous ne pouvons pas commencer à expliquer la soirée du vendredi 1er mai 2015, au Positano, la bombe dans le salon Scarlatti, le bruit de l'alarme, la panne géante, qui s'en est sorti et qui, tragiquement, n'en a pas réchappé, sans essayer d'évoquer, au moins par bribes, l'histoire de ceux qui étaient là. »
Ray tout d'abord. Peut-être le plus emblématique d'une époque à la croisée des nouvelles technologies, « le moins humain des humains », homme de chiffres issu d'une famille de lettres. Il pense variance et espérance pour chaque main de poker, envisage le jeu comme une suite de décisions à prendre, optimales cela va de soi, en dehors de toute émotion. Seule la Tragédie semble pouvoir l'affecter. Ou peut-être bien cette « Putain de variance ».
Mary Ann vient quant à elle d'embaucher au Pos, elle sera serveuse après s'être débarrassée de la « spirale narcissique » des réseaux sociaux, suite à une anhédonie et une tentative de suicide. Un nouveau départ pour cette jeune fille qui a rêvé de gloire via le mannequinat, et qui a surtout pensé à elle jusqu'à présent, encore à elle et toujours à elle.
Elle y croisera peut-être le chanceux Tom, italien d'origine loin du stéréotype gominé ou mafieux, invité à Las Végas grâce un lot improbable récolté à une partie de poker romaine.
Et puis il y a Lindsay, issue d'une famille de mormons, journaliste qui rêve d'écrire des romans et d'échapper à sa condition de gratte-papier d'histoires sans saveur à Las Végas.

« Las Végas est une ville d'histoires »
Ça ressemblerait à un lieu commun dans ce genre de roman d'inclure la ville dans ses portraits. Las Végas est omniprésente bien sûr avec « sa vulgarité criarde », un artefact de l'addiction aux jeux d'argent en plus d'être une ville « arrachée au désert » pour assouvir la cupidité humaine. Une ville à histoires. Celles des quatre s'y fomentent sur des chemins balisés d'addiction pour le lecteur, sur le fil tendu d'une prose à la fois dense et gigogne, précise et ironique, pour élaborer des psychés fouillées d'une Amérique désabusée. Des histoires qui se croisent, s'entremêlent, s'agencent, se démultiplient, s'entrecoupent ou se côtoient, leurs trajectoires finissant par converger en un faisceau d'espace-temps commun, le vendredi 1er mai 2015 dans l'entonnoir du Strip, dans un monde à la rencontre de l'IA, soumis aux diktats de l'argent. Elles tissent une petite part de constellation humaine de la cité, mais elles tissent surtout la toile d'un roman prolifique à l'ampleur tentaculaire, un roman étourdissant, dynamiteur d'un rêve américain qui se croyait à portée d'une richesse instantanée, et qui dévoilera – sans laisser trop de place à l'incertitude, un fond d'humanité dans ses décombres.
Et puis « Paradise, Nevada » profile aussi la silhouette d'une autre histoire, à la teneur autobiographique cette fois : celle d'un italien débarqué aux États-Unis pour jouer au poker dans un premier temps.... Avant de devenir l'auteur de ce roman ambitieux, qui a fait sensation outre-Atlantique.
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RV off. Je relance de 150. Flop D8 6 arc-en-ciel. Je suis avec 100. Tournant à 10. Je relance à 500. La rivière est un valet. Alors, se coucher ou bluffer ? Me voilà à une table de poker où s'échangent des jetons à plus de 1 000 dollars. Plutôt insolite, n'est-ce pas ?

Las Vegas, ses casinos, ses machines à sous et ses tromperies de tous ordres. Sa faune, faite de touristes un peu nazes, de spots - ces clients que l'on flaire moins doués et qui vous renfloueront peut-être-, de gros poissons prêts à perdre des fortunes pour se tirer de l'ennui, de regs - des pros du poker capables de jouer des dizaines d'heures de suite et de tirer de substantiels revenus de cette activité.

Et puis son personnel. Les charmantes jeunes femmes qui vous servent vos consommations gratuites, les croupiers, les barmen. Tout l'envers du décor.
Pendant plus de 600 pages, Fario Diofebi se sert de ce cadre pour nous livrer une analyse psychologique, sociologique des Etats-Unis de 2015. Avec un sens du détail parfois très drôle, il croque autant de personnages que nécessaire à son projet. Mary Anne, ancienne mannequin, dépressive et égocentrée. Karen, sa tante, qui la fera rentrer au Positano, un hôtel-casino de luxe, réplique exacte du petit village amalfitain où son propriétaire a vécu de belles amours. Tommaso, un Romain dont l'estime de soi frise avec le néant, petit joueur, gagnant improbable d'un voyage à Las Vegas, clandestin depuis que son visa a expiré. Ray, fils de libraires, ancien joueur de poker en ligne, fulgurant dans ses analyses, bien décidé à ne laisser aucune émotion infléchir la courbe de ses réussites au jeu. Lindsay et son frère Orton, Mormons tous les deux. Elle est journaliste, il serait thésard s'il envoyait sa candidature à l'université. En attendant, il écrit sur le désert et elle réalise des aspics vegan en hommage à sa grand-mère.
Toute une galerie de portraits donc et une histoire qui commence et finira par une explosion. Entre les deux, c'est drôle, bien conçu, brillant. le service presse vous vendra ce livre comme un « roman noir » « au sens du suspens assumé », mouais… faudrait pas exagérer non plus. L'intrigue n'est pas des plus nourries et le suspens n'est pas haletant. Mais ça se tient et il existe effectivement une raison romanesque de rassembler tous ces personnages au même endroit.

C'est aussi que, n'ayant, malgré mon entrée en matière en forme de bluff, aucune appétence pour le poker, je n'ai pas ressenti ce frisson qu'auront peut-être d'autres lecteurs joueurs. Les descriptions des décors en carton-pâte, des cocktails servis n'ont pas ravivé chez moi le souvenir de moments particuliers. le regard torve de qui actionne machinalement le bandit manchot, comme halluciné, un peu plus. Vaguement. Des touristes chenus, en T-shirt et banane sur bedaine, sur la côte normande. Bref, rien d'exaltant.

J'ai apprécié en revanche le style, l'ampleur de l'ambition aussi. La finesse des caractères. Une esthétique de l'absurde au sens philosophique du terme. Bref, c'est intelligent, brillant (et un peu long).
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À Vegas, la fête est – bientôt – finie…

Il est bien loin le « What happens in Vegas stays in Vegas » longtemps vendu au monde pour attirer au coeur du désert du Nevada, les joueurs et touristes du monde entier. Et lorsqu'une bombe explose en 2015 et enflamme le célèbre Positano, il devient évident que les choses sont vraiment en train de changer.

« le Positano était de loin l'établissement le plus classe et le plus extravagant de Vegas, et décrocher un entretien pour travailler là-bas équivalait à trouver un ticket d'or pour entrer dans la Chocolaterie de Charlie. »

Mais dans cette ville symbole de tous les possibles et excès offerts par l'Amérique triomphante, les paillettes ne suffisent plus à masquer les réalités d'une fête qui a désormais un goût amer.

« Les casinos semblaient alignés le long du Strip telle une troupe de comédiens qui avaient trop bu après la répétition et s'étaient endormis sur des canapés ou des tapis, la lumière du jour aussi terne qu'explicite, révélant la médiocrité de leurs pourpoints et de leurs corsets. »

Joueurs professionnels (regs) en mal de gros pigeons (spots) à plumer ; personnels des casinos maltraités et peinant à se fédérer et se syndiquer ; fêtes factices devenant anachroniques faute de s'être renouvelées… Rien ne va plus dans l'autre ville qui ne dort jamais.

C'est ce que vont découvrir Ray, Tom, Trevor, Mary-Ann, Lindsay ou Orson, les protagonistes d'une histoire chorale racontée à rebours de l'incendie. Venus d'horizons distincts et pourvus de motivations différentes, ils vont tous tomber de haut, abandonner leurs illusions et, pour certains, commencer à rebondir.

Avec beaucoup d'ambition, Paradise Nevada de Dario Diofebi (traduit par Paul Matthieu) multiplie les angles, les genres, les digressions et les chapitres de respiration, de réflexions ou de contextualisation.

Histoire, social, politique, économie, Diofebi autopsie Vegas en 650 pages, dans une trame qui n'est que prétexte à étudier l'envers du décor, moins lumineux que ses façades.

C'est brillant mais cette densité et cette diversité d'angles laisse aussi comme une impression que l'auteur passe à côté de son sujet, sans que le lecteur ait d'ailleurs clairement réussi à cerner celui-ci.

Il reste un style certain et prometteur (et répétons-le, beaucoup d'ambition) dans ce premier livre qui me conduira certainement à m'intéresser au prochain pour une deuxième chance.
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Qu'une grande partie du Strip de Las Vegas, la ville du péché, regroupant nombre de grands casinos, se trouve sur le territoire de la ville Paradise, Nevada, ne manque pas de sel. C'est bien américain d'imaginer une ville de lumière sortir du désert à cet endroit.

Dario Diofebi possède une main de vainqueur dans ce poker menteur qui sert de trame à son imposant premier roman.

Las Vegas est une expérience unique, explosion de lumières et de bruits, les cinq sens surstimulés à chaque seconde. Mais c'est d'une autre explosion dont parle ce livre, bien réelle, à peine évoquée d'un mot dans le court prologue.

Le reste n'est qu'histoire(s), celles de plusieurs personnages immergés dans les travées de Sin City la ville qui est bien le personnage principal, et qui seront acteurs d'une manière ou d'une autre de cette détonation et du souffle qu'elle produira. Rendez-vous 640 pages plus tard pour comprendre l'allumage de la mèche.

Plusieurs destins vont s'entrecroiser. Ray, ancienne star du poker en ligne (jeu interdit aux USA, qui l'a forcé à émigrer au Canada), venu se refaire en face à face. Mary Ann, mal dans sa peau, tente de trouver un sens à sa vie, et se retrouve serveuse dans le Strip, pas le meilleur endroit pour se reconstruire. Tommaso, l'italien renfermé, devenu clandestin après l'expiration de son visa touristique. Et enfin Lindsay, journaliste débutante, apprentie écrivaine, et mormone, qui cherche à lancer sa carrière.

Le roman du primo-romancier italo-américain vivant entre Rome et Brooklyn, est dans la veine des grands romans d'outre-Atlantique, à la Tom Wolfe. A cheval entre l'hyperréalisme et la fiction, ciblant les travers d'une société angoissée et malade. Sa sensibilité européenne, se sert de Vegas comme l'incubateur de son analyse sociétale, usant des personnages comme moteurs à l'explosion.

Un récit particulièrement touffu, très documenté. Une sorte de Zola du XXIème siècle, et un plongeon dans le sable, la sueur et le stupre d'une ville complètement folle.

Dario Diofebi n'a pas choisi ce thème et ces protagonistes par hasard. Il y a mis beaucoup de lui, assurément. Ancien joueur de poker professionnel (comprendre : passer ses journées à miser des sommes importantes, dormir un peu et rejouer encore et encore), cette expérience lui a servi à construire le personnage de Ray. Et revendiquant ses origines italiennes et ses valeurs européennes, à travers Tommaso.

Paradise, Nevada est l'endroit où le rêve américain prend toute sa dimension, où on peut se construire une renommée aussi vite qu'on peut chuter en enfer.

Entre envoûtement et horreur, l'auteur décrit Las Vegas comme un microcosme de notre société actuelle, celle du paraître et de la satisfaction immédiate des désirs primaires. Un univers gangrené par la corruption et les ambitions personnelles, où les nouveaux dieux sont des joueurs invétérés.

Le roman est à l'image de ce milieu, fascinant et aussi parfois un peu irritant. Heureusement, bien davantage positivement, avec ce qui se révèle une lecture particulièrement prenante.

Certains passages, peu nombreux, donnent l'impression que l'auteur a voulu étaler sa science (du poker), au risque de se montrer un peu condescendant envers ceux qui n'y connaissent rien ou ne s'intéressant pas à ce jeu. Mais c'est bien le seul défaut que j'ai pu trouver à ce roman foisonnant, addictif, limite hypnotisant.

C'est vraiment une lecture du monde, à travers les strass et les paillettes, les lumières éblouissantes. Mais aussi ce qu'il se passe derrière le rideau, celui accessible qu'à quelques personnes, ambiance plus feutrée, mais où les parieurs jouent leurs vies à chaque seconde.

A l'image du personnage socle qu'est Ray, le genre matheux, surdoué mais un brin inadapté émotionnel et social, qui ne voit (au début) le salut que par la rigueur décisionnelle qui ne doit jamais être altérée par les émotions. Il voit à travers les équations.

Un autre match se joue ici, celui de la nouvelle aire du Big Data contre l'instinctif. de quoi renverser la table des principes ancestraux qui régissent la ville.

C'est bien un livre-monde que Diofebi a réussi à créer, et des destins qu'il prend le temps de dessiner. Pour qu'on entre en empathie, y compris quand ces caractères vont à l'encontre de nos valeurs. Avec un art consommé du suspense. Des personnages manipulés à travers cette machination qui va engendrer le chaos. Mais le chaos n'est qu'un principe méconnu de l'ordre, c'est bien connu.

C'est là tout le talent d'un bon écrivain. Parce que derrière tous les excès pointe une vraie humanité. Quand à savoir ce qu'il en restera à la fin, à vous de vous laisser prendre par ce pavé. Et penchez-vous au passage sur le concept du « dilemme du prisonnier ».

A Las Vegas, chaque cm² bruisse de monde, et derrière se cachent les vrais piliers de ce Grand Jeu. Mais aussi les invisibles, les inaudibles, qui ont leur mot à dire.

Dario Diofebi dresse un tableau réaliste, acerbe, affiné et affûté du capitalisme à travers cette étonnante vision de Vegas. Entre théorie des jeux et dynamique de groupe, il décrit avec force un univers où se meuvent des personnages attachants par leurs failles, dérangeants aussi.

Paradise, Nevada, destination finale, même dans la ville du péché la lutte des classes peut secouer les fondations. Voilà un premier roman vraiment explosif !
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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« Paradise, Nevada » est le tout premier roman de l'auteur américano-italien Dario Diofebi. C'est un ancien joueur professionnel de poker et cela se ressent dans les descriptions nombreuses de ces joutes où l'argent est au coeur des enjeux. Las Vegas cristallise la fête, les excès et l'argent roi, le dieu dollar. En une nuit on peut se refaire, rembourser ses dettes où au contraire creuser sa tombe. Une vie jouée aux dés. Les jeux d'argent dans les casinos notamment avec le poker, symbolisent la fuite en avant d'un système capitaliste perdant tout sens des réalités. Jusqu'au bout de la nuit, on bluffe, on tente parfois le tout pour le tout ou au contraire on attend une brèche dans l'armure adverse. Les regards, la transpiration, les traits du visage, tout peut indiquer une possibilité de triompher de l'autre le temps de parties de plusieurs heures. « Paradise, Nevada » décrit avec brio cet univers fantasque. L'histoire suit quatre jeunes en recherche. Ray qui a abandonné ses études pour devenir joueur de poker. Mary Ann, une ancienne mannequin devenue dépressive. Tommaso, un italien chanceux au poker, comptant bien se remettre en selle. Enfin, Lindsay, mormone qui rêve de devenir écrivaine mais qui, en attendant, travaille pour un site Web minable. Quatre paumés de la vie échoués là un peu par hasard. le roman n'est pas dénué d'humour, il est très bien écrit et l'on comprend l'engouement suscité par ce dernier aux Etats-Unis. On suit l'évolution de nos quatre personnages jusqu'à un final étonnant avec l'explosion d'une bombe dans un hôtel-casino de luxe, le Positano à Las Vegas. Une dénonciation de l'envers du rêve américain au coeur même d'un lieu où le capitalisme outrancier est roi. Ce choc cause des dégâts inéluctablement. Un roman somme qui plaira à n'en pas douter aux lecteurs/lectrices souhaitant découvrir cet univers. Ma seule limite et, elle est indépendante de l'auteur, c'est mon manque d'intérêt pour le poker. La compréhension des règles et la description de nombreuses parties, ont pour ma part, brisé mon élan dans cette lecture. Maintenant, Las Vegas sans le poker ne serait plus Las Vegas. Malgré cet écueil, je recommande cette lecture qui fait réfléchir et suscite le débat. La description de l'univers Las Vegas est particulièrement bien sentie.
Lien : https://thedude524.com/2023/..
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Derrière ces personnages désabusés, tous gravitant autour du coeur névralgique de ce roman choral, un hôtel-casino lumineux mais glauque, se cachent les blessures de l'Amérique – l'exploitation salariale, l'addiction, la nouvelle génération incomprise, l'immigration, sujets épicés ici de l'odeur sale des billets froissés (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/08/31/paradise-nevada-dario-diofebi/)

Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Paradise, c'est le vrai nom de la bourgade qui abrite le fameux strip et ses casinos mais que tout le monde résume à l'appellation Las Vegas pour ne pas entrer dans les subtilités cadastrales. L'endroit où tout est possible. On en connait les lumières, les excès, les décors extravagants, les nuits blanches et les tapis verts ; ce roman nous emmène dans les coulisses, au plus près des acteurs qui permettent à ce gigantesque barnum de scintiller et de diffuser son ivresse en continu. C'est assez mouvementé, l'auteur bâtit un roman plein de vie où se croisent des personnages auxquels il est facile de s'attacher. On lui pardonne le classique défaut du débutant si passionné par son sujet qu'il a tendance à charger un peu la barque du contenu (pour ceux qui ne jouent pas et ont oublié leurs cours de probabilités) car pour le reste, c'est du costaud.

Dans les pas de Ray, joueur de poker en ligne qui vient tenter sa chance en live, de Tom, un jeune italien dont le visa touristique a expiré mais qui ne compte pas repartir avant d'avoir fait fortune, de Mary-Ann, ancien mannequin désormais serveuse et de Lindsay, issue d'une famille mormone, journaliste qui rêve de tout quitter pour devenir écrivain à San Francisco, le lecteur est invité à découvrir les événements qui ont mené à l'explosion d'une bombe au Positano, l'un des plus luxueux hôtels casinos de Vegas. Dont bien sûr je ne dirai rien ici. Grâce à eux, à leurs parcours, l'auteur utilise ce terrain de jeu qui cristallise tous les enjeux micro et macro de la société actuelle : enjeux sociaux, économiques et intimes lorsqu'il s'agit de trouver un sens à sa vie. Il y est question d'image, d'isolement au sein de communautés factices, de chance (ou pas), de droits sociaux, d'émancipation et de la façon dont chacun cherche son bonheur. On y côtoie le quotidien des joueurs qui en ont fait une profession et de ceux qui dans l'ombre s'échinent à faire marcher l'usine à rêves pour quelques dollars et bien peu de considération (terrifiants passages sur les dates de péremption des serveuses trop "âgées").

L'auteur y a mis beaucoup de lui-même (le personnage de Tom a un parcours similaire au sien), on sent sa fascination pour l'endroit, l'histoire de Vegas, mais il parvient à sublimer ce point de départ pour donner à son roman une dimension politique et sociétale intense. Sans jamais oublier de divertir son lecteur. J'ai pris beaucoup de plaisir à m'immerger dans ce Paradise dont je n'avais jusqu'à présent exploré que les façades accessibles aux touristes de quelques heures. Décidément les primo-romanciers dénichés dans la collection Terres d'Amérique valent le détour. Après la révélation Michael Christie (Lorsque le dernier arbre), Dario Diofebi prend joliment le relais. Curieuse de voir ce qu'il écrira dans les années à venir.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Bienvenue à Las Vegas, ville mythique, vendant du rêve à ses milliers de joueurs venus du monde entier. Bienvenue dans ses hôtels, ses casinos. Bienvenue à tous ceux qui sont venus ici, et à ceux qui y sont restés. Parmi eux, nous avons Mary Ann, mannequin qui a craqué et qui est venue prendre un nouveau départ ici, loin de tout ce qui a constitué sa vie jusqu'à présent, loin aussi de l'image qu'elle renvoyait à travers les publicités dans lesquelles elle apparaissait, ou encore la quantité de photos qu'elle postait sur les réseaux sociaux, comme toutes les jeunes femmes de son âge. Nous rencontrons aussi Ray, aussi jeune qu'elle mais qui lui aussi repart à zéro, lui qui a frôlé ce que je nommerai le « burn out » à force de jouer au poker en ligne, et qui tente ici de jouer au poker « en live ». Peut-être croisera-t-il Tommaso – c'est facile à écrire, mais Tommaso est arrivé aux Etats-Unis grâce à un formidable coup de poker. Il est persuadé que sa vie est désormais ici et pense qu'il pourra rester, malgré tout. Lindsay, elle, n'est pas du tout intéressée par le poker. Elle est journaliste, mais elle rêve de mieux, de devenir écrivain, notamment. Son petit frère, le seul à être véritablement dans la confidence, le seul à comprendre ses désirs, est son premier lecteur, et son premier conseiller.
Je pourrai partir dans une analyse un peu banale, très technique, à savoir que le récit alterne les différents points de vue de chacun de ces quatre protagonistes, et qu'il est basé sur des retours en arrière, qui nous font découvrir l'avant-explosion, mais aussi le passé de ces quatre protagonistes et de certains de leurs proches. Nous découvrons les fils ténus qui lient certains d'entre eux à d'autres, comme si, finalement, le monde de Las Vegas n'était pas aussi grand qu'il voulait l'être. le tout n'est peut-être pas de se croiser mais de voir véritablement l'autre, d'écouter l'autre, même ce qui ne fait pas plaisir à entendre, même ce que l'on ne soupçonnait pas. Ce n'est pas forcément plus facile pour Lindsay et son frère, même si leur proximité facilite peut-être un peu les choses.
L'explosion agit comme un révélateur, de ce qu'est Las Vegas, de ce que sont ceux qui y vivent, ce qui y passent. Se remettre en cause, ouvrir les yeux, redonner du sens à ce que l'on fait, voir réellement ceux qui les entourent. Beaucoup de bouleversements pour cette ville foisonnante et fragile aussi.
Un premier roman à découvrir.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Diofebi a gardé de sa carrière de joueur de poker un certain goût pour les paris risqués. Vous imaginez, vous, lire un pavé de plus de 600 pages sur le poker?! Moi non plus a priori, et j'ai ouvert ce premier roman plein d'audace avec beaucoup de scepticisme mais prête à relever le défi!
On embarque pour Vegas à la suite de quatre personnages dont les destins se croisent sur le Strip : Ray, l'as de la probabilité, prêt à se lancer dans la carrière de joueur de poker pro ; Mary Ann, ancienne reine de beauté devenue serveuse dans le prestigieux hôtel Positano ; Tom, l'Italien, roi de la chance, débarqué à Vegas après avoir gagné un tournoi de poker, et devenu immigré clandestin depuis l'expiration de son visa. Et puis il y a Lindsay, l'atout de l'histoire, aspirante écrivaine, qui rêve de créer un récit à la hauteur de la folie de la ville de tous les possibles.
Ce premier roman, écrit par un italien, émigré aux Etats-Unis pour faire une carrière de joueur de poker pro, et devenu professeur d'écriture créative à New-York, est largement autobiographique, mais l'extravagance de la narration, le foisonnement des thématiques, l'infinie multiplication des trajectoires croisées dans le roman en fait bien un pur produit de la ville de tous les excès. On y voit Vegas sous toutes les coutures, aussi clinquante et vulgaire sous la lumière crue des néons, que désabusée et triste au petit matin. Diofebi s'amuse à nous embarquer dans la fabrique de l'illusion, dans les combines des uns et les coups de poker des autres, là où le destin de chacun est suspendu au hasard, comme dans la vie en somme.

Sceptique j'étais, convaincue je suis, du talent de l'écrivain Diofebi et de son audace. On lui pardonne même sa tendance à nous expliquer à coups de notes de bas de pages les arcanes du poker 🤯 parce que son roman si ambitieux, raconte avec une originalité folle l'envers du rêve américain et l'incroyable élan qui pousse chacun des personnages à parier sur leur propre vie.
Une très belle découverte de cette rentrée en somme!
Prêt.e.s à tout miser sur "Paradise, Nevada"?
Les jeux sont faits, rien ne va plus!
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Au coeur du rêve américain (et de son corollaire le cauchemar) il y a Las Végas , « Sin-city »,flambant dans le désert de tous ses néons , et au coeur du coeur les salles des casinos ,cryptes du temple dédié au veau d'or ,où le destin se joue au bruissement des cartes et des jetons. Autour de ce phare tournent les phalènes , irrésistiblement attirées , joueurs professionnels et pigeons à plumer ,arnaqueurs de tous poils, mais aussi travailleurs de l'ombre et milliardaires tireurs de ficelles dans leurs citadelles dorées. Qui donc échappera à la mort annoncée parmi les papillons de nuit ? L'auteur ,lui-même ex joueur de poker professionnel construit très habilement un roman choral autour de la fascination morbide du jeu et de la réussite .Les caractères sont très fouillées ,les situations aussi improbables que l'architecture du lieu, les dialogues savoureux. Un remarquable premier roman.
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