Las, on traîne ; on titube ; on glisse ; on se redresse ; on regarde devant soit. Bouts d'humains plantés au hasard, parfois déracinés, ciselés, entaillés, fissurés, brûlés, selon un étrange jeu de quilles, mais assez impétueux pour se croire maîtres de ce mouvement vertigineux : vivre.
Mets tes parents en prison et tu finiras en cage.
Il faut un tremblement de terre dans la tête d’un auteur pour faire sentir un frisson au lecteur.
On n’écrit pas parce que l’on veut écrire. On écrit parce qu’on ne peut pas vivre sans.
Même en se rendant au bout du monde, on ne fait que marcher vers soi.
Betty n'aimait pas s'épuiser à ruminer son passé. Lorsqu'il lui arrivait de réfléchir à certains événements clefs de sa vie, ce n'était que pour mieux appréhender son présent. Sans pleurer sur son sort, qui n'était pas pire qu'un autre, elle aimait s'interroger, suivre les pensées qui s'imposaient à son esprit pour voir d'où elles lui venaient. Elle voulait faire demi-tour, revoir les sillages qu'elle avait abandonnés ou à peine empruntés. Comme un limier rebrousserait chemin pour s'assurer de n'avoir pas perdu des indices en route, Betty se promettait de ne négliger aucune piste. Il est parfois instructif de refaire le parcours, pas celui où poussent les fleurs, mais celui laissé aux ronces de l'échec, de la perte, de l'inassouvi. Betty fouillait, écrivait, elle ne faisait plus que cela, elle ne savait plus faire que cela. Ce n'était pas une volonté de sa part, ce qui tambourinait en elle devait sortir et la faisait vibrer toute entière. Rivée à son bureau, son coeur rythmait les marées de ses émotions. Si c'était ça, vivre, vivre , c'était tanguer, du présent au passé, d'une rive à l'autre, livrée à la brise comme à la houle. Les phares, on les devine plus qu'on ne les voit. Ecrire, c'est dormir moins bien que les autres et être assez maso pour se dévaster l'âme, comme on essouche une plantation. Inassouvi, notre besoin d'une jachère.
Mais cet homme avait un sourire et des mots qui donnent envie de laisser ses ongles sur la paroi, de s'accrocher, de remonter du fond de chaque gouffre et de rester sur la terre ferme de danser malgré tout
Siècle des top-modèles, génération apparence, on tue la chair pour animer le squelette.
Quel vide peut-être si menaçant qu’il faille, à ce point, charger les habitations ? Que veut-on combler ? D’où vient l’inassouvi ?
On ne peut dessiner les pleins qu’en tenant compte des vides.
À se frotter à la vie, elle s'était arraché la peau, à vouloir la regarder, elle s'était cramé les yeux. Depuis, la prudence lui tenait lieu d'existence.Oh, elle ne craignait aucune calamité, c'étaient les humains qu'elle redoutait.
Quand le présent nous ébranle, c'est tout ce qu'il réveille en nous qui parachève le naufrage. Stop ! Tu me fais mal, parce que ta goutte d'eau fait déborder ma mémoire ! aurait pu hurler Betty.
Il est des jours où, délibérément, on soulève les strates du temps, on dégage les couches du vécu, afin d'en humer les parfums oubliés ; il en est d'autres où la vie, terre battue, se craquelle, mouillée par les larmes du présent, et laisse les odeurs d'antan vous envahir.