Il est des livres voyageurs comme celui-ci, qui migrent, au gré des déménagements, des pérégrinations, d'un lieu à un autre. Celui-ci a cheminé longuement depuis la fosse Delloye à Lewarde , devenue Centre historique minier, jusque Avignon. Il a troqué un ciel de grisaille contre un azur provençal.
Un livre reçu en cadeau, trouvé au hasard d'un vide-grenier dans le Gard et qui arrive , fort à propos, après la lecture de « Un jour avant » Un livre mémorial qui raconte de nombreux souvenirs , ceux des femmes (souvent très jeunes à peine sorties de l'enfance ) qui ont travaillé à la mine comme trieuses, lampistes (jusque dans les années 50) plus tard, employées de bureau, standardistes…, anecdotes intimistes aussi livrées pudiquement par celles qui furent mères, filles et compagnes de mineurs.
Des témoignages personnels ou collectifs empreints d'émotion, de vérités amères, de solidarité, de tristesse, de drames et de joie.
De nombreuses photographies illustrent cet ouvrage chargé d'histoires et d'Histoire , particulièrement bien documenté. Un hommage émouvant, puissant, rendu à ces femmes courageuses.
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Ingénieurs, porions (contremaîtres) et mineurs constituent les trois grandes catégories de la hiérarchie du travail à la mine. A ces trois catégories correspondent trois lieux distincts équipés différemment, à l'image de cette hiérarchie, ou le mineur peut se laver : les ingénieurs ont droit à des baignoires, les porions disposent de cuves ou de bacs, les simples mineurs d'une salle de douches collectives (les trieuses ne disposaient pas d'endroits de ce type sauf à la fosse de Wingles )
(...) Les lavabos des ingénieurs sont chauffés (...) c'est un lieu protégé, l'entrée y est gardée et interdite au commun des mineurs.
La très grande majorité des femmes a quitté la mine après le mariage. Les Houillères incitaient fortement les femmes au départ, une fois mariées, par convocation orale, chez l'ingénieur ou le chef de carreau. Aucune n'a jamais reçu de lettre. Cette pratique relève de la règle d'usage. La raison invoquée par d'anciens responsables était que deux personnes d'un couple ne pouvaient cumuler deux salaires dans le contexte social de l'entreprise minière. Les femmes sont priées de rentrer chez elles...
"Culs à gaillettes", disaient certains des cafus (ouvrières des mines qui triaient le charbon et chargeaient les péniches avec un panier). Certes mais pas putains. Des braves filles pas toujours bégueules, transpirant sous les verrières sales du criblage l'été, tremblant de froid l'hiver. Ces pauvres gosses ramassaient avec leurs mains souvent bleuies de froid ces blocs de pierre lourds et coupants, parfois salis par des excréments que des hommes ineptes et sans cœur avaient volontairement déposées dans les berlines (Augustin Viseux, "Mineur de fond")
Vêtues d'un bleu de travail, le visage noirci par la poussière de charbon, les femmes du triage revêtent les apparences du mineur. C'est à ce poste quelles sont le plus dévalorisées et on la plus mauvaise réputation vis-à-vis de l'extérieur : filles de fosses, culs à gaillettes (1), ces surnoms traduisent l'image qui leur est renvoyée par la société. "C'était un métier de paria", confirme une de ces anciennes trieuses
(1) morceau de charbon
Loi du 2 et du 4 novembre 1892
Âge minimum obligatoire pour travailler dans les mines : 13 ans ou 12 ans si la jeune fille possède un certificat d'étude primaire ainsi qu'un certificat d'aptitude physique.