Clémence et Jean-Martin coulent des jours heureux dans la ferme située sur le plateau de Saint-Jean, au-dessus de Saint-Etienne. Clémence descend au marché à la ville pour y vendre des légumes, cultivés avec patience sur leurs terres. Antonin l'aîné des enfants, a 19 ans en 1914 et travaille avec son père à la ferme. Il en faut des bras pour abattre tout le travail surtout en été ! Celse le plus jeune des fils a préféré se faire embaucher à la mine mais le soir il donne aux lapins, nettoie les clapiers ou aide à la traite. Quand à Perline, la seule fille, amoureuse des mots, elle est devenue institutrice dans l'institut privée du village.
C'est l'été et tout le monde est au champ lorsque les cloches se mettent à sonner à la volée : c'est la guerre !
Jean-Martin part le premier et la vie à la ferme s'organise. Maintenant qu'il est parti, Perline, après avoir préparé sa classe, rejoint tous les jeudis sa mère, pour l'aider à ramasser les légumes qu'elle descendra vendre à la ville. Mais un mois seulement après le départ du père, c'est au tour d'Antonin d'être appelé.
Heureusement avant leur départ, la famille a accueilli deux enfants de l'assistance publique, Mathias en âge d'être placé, mais aussi sa jeune soeur Lucille dont il ne voulait pas être séparé. Tout compte fait Clémence ne regrette pas d'avoir eu bon coeur, même s'il lui faut nourrir, loger et habiller deux enfants au lieu d'un : ils lui tiennent compagnie et apportent une aide inestimable, car il a bien fallu s'organiser en l'absence des hommes.
Les femmes sont solidaires et reprennent peu à peu les métiers délaissés par leur mari. Si Clémence a su tout de suite bien gérer la ferme et les cultures d'autres à l'inverse ont eu quelques difficultés...Mais finalement Augustine a accepté de prendre la place de son mari au café ; la boulangère a eu du mal à faire le pain malgré le fait qu'elle connaissait les gestes par coeur, mais tout le monde est content de ses dernières fournées ; Ernestine a remis sans problème en marche les métiers à tisser et Mellie, la femme du facteur a pris sa tournée...
Et tout cela bien avant que le gouvernement ne leur demande à toutes de le faire !
Perline est un jour obligée d'accepter un travail de secrétariat et comptabilité dans les entreprises Fougerolles. Elle abandonne avec regret sa classe, mais découvre un autre monde, celui de l'usine. le poids de la hiérarchie, les horaires impossibles, les conditions de travail déplorables et surtout, les gestes grossiers du contremaître qui profite de son autorité pour tripoter les jeunes filles qui n'osent se plaindre de peur de perdre leur travail, horrifient la jeune fille mais elle sait se défendre et faire valoir son travail.
Peu à peu tous les hommes du village disparaissent les uns après les autres, laissant les femmes anéanties et le pays exsangue, après cinquante-deux mois de conflit.
Alors bien sûr avec le courage dont toutes les femmes ont fait preuve, c'est normal que certaines se révoltent quand elle voit les hommes reprendre peu à peu, un peu plus de leurs pouvoirs, une fois revenus de la guerre.
Elles se sont senties libres et indépendantes, capables de prendre des décisions en l'absence des hommes et pensent que la société devrait leur témoigner davantage de respect. Or les héros...ce sont les hommes qui se sont battus, et ceux qui reviennent n'aspirent qu'à une seule chose, un retour à la normale.
Perline espérait que les femmes ayant eu de nouvelles responsabilités, et soutenu l'économie du pays, obtiendraient un peu plus de considération...
Elle se rebiffe !
Voici une chronique familiale toute simple qui se déroule durant la Première Guerre Mondiale, dans un petit village d'Auvergne situé sur les hauteurs de Saint-Etienne.
L'auteur nous relate avec beaucoup de réalisme la vie quotidienne de cette région de France pendant la guerre. Mais de guerre, on ne parle pas, non...l'action se passe au coeur des villages.
Le lecteur (re)découvre le travail des champs, dans les usines ou dans les mines au début du XXe siècle. La vie quotidienne malgré les conditions de travail difficiles est toute douce et personne ne s'en plaint, mais la grande guerre pointe son nez, et sa violence apporte chagrin et désespoir dans les familles. Il faudra bien que les femmes fassent tourner la ferme, ou bien se rendent à l'usine pour apporter trois sous à la maison.
A une époque où les communications modernes n'existaient pas encore, le village perdu sur son plateau, n'était pas pour autant isolé de la grande ville proche.
J'ai trouvé cette plongée dans le monde rural tout à fait plaisante, et j'ai pris un réel plaisir à cette lecture, portée par des personnages vivants, simples et attachants. Chacun des personnages pourraient être un de nos ancêtres.
C'est l'occasion de découvrir de beaux portraits de femmes...dont Perline, une héroïne au caractère bien trempée qui sait se défendre et saisir les opportunités de la vie.
Le récit est étayé de recettes auvergnates, de mots en patois expliqués en bas de page, et le lecteur retrouvera avec plaisir les petits métiers d'antan, oubliés ou abandonnés aujourd'hui mais qui ont fait partie de la vie quotidienne de nos parents et grands-parents.
Voilà un roman du terroir qui ne manquera pas de plaire aux amateurs du genre, mais aussi à ceux qui s'intéressent à l'histoire de notre pays, à la Première guerre mondiale et à la cause des femmes...
C'est mon modeste hommage du jour à la Commémoration de l'armistice de 1918, qui a mis fin à la Première Guerre Mondiale.
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