Voila mon deuxième coup de coeur de ce début d'année.
Je lis rarement des romances contemporaines, voir les personnages évoluer dans un monde moderne et actuel ne m'enchante guère. Je me tourne donc plus volontiers vers des romances dîtes « historiques ». Et je dois avouer que les éditions Milady ont l'oeil pour dénicher des talents insoupçonnés. Ce n'est pas un hasard si mon deuxième coup de coeur de 2015 est issu de leur collection Pemberley. le premier étant le Silence de Grey House qui allie à merveille le côté sentimental, policier et historique.
Ici, point d'intrigue policière, mais une romance à l'état pur, comme il est indiqué sur la quatrième de couverture, grâce aux symboles si brillamment conçus « famille/intrigues/sentiments », qui permettent en un seul coup d'oeil de visualiser le genre de roman auquel on a affaire. Je salue au passage, le travail éditorial des éditions Milady, qui donnent un aspect rafraîchissant à leurs publications. J'aime particulièrement leurs couvertures, bâties un peu sur le même modèle, avec un portrait au dessus du titre, et un monument majestueux en dessous.
Edenbrooke est un roman sentimental qui m'a énormément plu. L'histoire a beau être convenue, je me suis prise au jeu. Pour une fois, j'ai réellement aimé l'héroïne, je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle me ressemble, mais je me suis pratiquement identifiée à elle. Elle reste humble, éclipsée par sa soeur jumelle plus extravertie, qui attire davantage l'attention. Les deux soeurs ont des tempéraments parfaitement opposés. Si Cecily réussit tout ce qu'elle entreprend, et voue une affection prononcée pour l'agitation des villes et la séduction, Marianne a quant à elle des aspirations et des goûts plus simples.
Elle est également très maladroite, dans ses faits et gestes, comme dans ses paroles. Nous avons donc sous les yeux une figure principale très humaine, authentique, loin d'être parfaite, et qui a même des défauts assez mignons. Elle n'est pas un brin agaçante, et j'ai réellement apprécié la fraîcheur et l'éclat de cette grande amoureuse de la campagne. Car pour une fois, l'héroïne aspire à une vie sereine, entourée par la nature, plutôt qu'à une vie mondaine. Elle est cultivée, s'intéresse à l'art, notamment à la peinture et à la littérature, elle essaye de s'émanciper des passe-temps destinés aux dames de son rang, pratique l'équitation de manière intrépide, présente une certaine curiosité pour les loisirs masculins, comme l'escrime ou le tir à l'arc. Cependant, elle doit aussi répondre aux exigences de sa grand-mère, laquelle lui a promis un héritage important en échange d'une tenue irréprochable. Marianne a une relation vraiment particulière avec son aïeule, qui se plaît à jouer faussement les rabats-joie, mais qui éprouve une grande tendresse à son égard. Malgré son tempérament un peu trop spontané, la jeune fille tâche de bien faire pour ne pas décevoir la vieille dame.
En essayant de s'affranchir des activités habituelles qui s'appliquent à son rang, en étant curieuse du monde qui l'entoure, elle ne tombe pas non plus dans la désinvolture gratuite. Voila toutes les raisons qui expliquent pourquoi j'étais d'emblée conquise par cette héroïne. Mon parti pris est également évident lors de l'entrée en scène de Cecily. Heureusement que cette dernière n'est réellement présente que lors du dénouement, car c'est un personnage insupportable. Mais son comportement odieux ne fait qu'amplifier l'humilité et la franchise de Marianne.
Parlons maintenant de la figure masculine de cette histoire. Pour une fois, il ne s'agit pas d'un mâle ténébreux au passé obscur, brutal et arrogant. Philip est un homme franc, bon vivant, un brin taquin, avec d'excellentes manières, et l'on comprend très vite, qu'il a bon coeur. Les joutes verbales auxquelles il se livre avec Marianne sont légères, toutes en espièglerie et en finesse, et c'est plutôt original comme technique de séduction. On ressent beaucoup de complicité entre eux et il n'est pas difficile de deviner la tournure que prendra leur relation. Malgré cet aspect assez prévisible, la romance reste agréable à suivre. Outre un léger mystère qui entoure le personnage de Philip, cet homme, qui est loin d'être à cheval sur la bienséance, semble constituer le parti idéal pour une fille aussi maladroite et spontanée que Marianne. Leur relation, loin d'être dictée par l'appât d'intérêts et de bénéfices, est basée sur une entente sincère, et il est plaisant de voir leurs sentiments évoluer de manière saine et harmonieuse au fil des pages.
La réussite de ce roman, tient en grande partie, dans les caractères si bien choisis des deux figures principales.
Julianne Donaldson semble avoir parfaitement compris ce qui pourrait plaire à ses lectrices, et a choisi de dépeindre des individus modestes malgré leur statut social aisé, sincères dans leurs sentiments, parfaitement représentatifs d'une époque certes, mais qui ne s'enlisent pas dans des stéréotypes mainte fois exploités. En cela, elle arrive à se démarquer de la plupart des romances qui fleurissent aujourd'hui. Cette histoire tout en finesse, en retenue, qui privilégie le naturel à l'artificiel qui met en scène des amoureux cultivés, ouverts d'esprit, sans une once d'arrogance est une brillante réussite.
Le caractère authentique de ce récit m'a donc grandement conquise, que ce soit grâce à ses personnages spontanés, ou même son histoire. L'atmosphère est exquise, si l'on aime la campagne comme moi, on sera facilement charmé par les décors. La beauté et la quiétude d'
Edenbrooke nous donneront envie d'aller faire un tour dans la campagne anglaise. On rêvera aussi de visiter la bibliothèque si bien garnie de Philip et de l'entendre nous raconter avec passion ses nombreux voyages.
En somme c'est un roman qui réunit tout ce qui me plaît : une romance vraie et sans érotisme, des descriptions fidèles et détaillées de la campagne anglaise, une impression de calme et de quiétude qui se dégage tout au long du récit, avec une intrigue sous-jacente vraiment intéressante. A mon sens, il a tous les atouts d'une lecture agréable, qui sans avoir la verve et la profondeur de
Jane Austen, a un charme indéniable. Je vous recommande donc
Edenbrooke qui apporte un peu de fraîcheur et de pureté au paysage sentimental littéraire. Ce sera avec grand plaisir que je lirai le dernier né de
Julianne Donaldson, sorti il y a quelques semaines à peine et intitulé
Blackmoore.