Citations sur Allons voir plus loin, veux-tu ? (97)
[.......] et lui venait en tête la petite ponctuation morose, qu'elle connaissait bien maintenant : "Bon. Et après ?"
Elle la retrouvait tout le temps, dans chaque creux de son activité, au milieu de ses contemplations, goutte froide, note sinistre qui sonnait comme le glas du plaisir absent - "Bon. Et après ?"
Chaque fois qu'elle ressentait cela, cet arrêt à vide, ce petit constat mortel d'une insatisfaction, d'une attente sans objet, le souffle lui manquait une seconde. Elle allait s’asseoir quelque part car tout son être fléchissait, découragé. Contre quoi se battre, qui n'avait pas de nom, pas de forme, pas de mouvement? Juste une absence de joie, un manque... un rien... Comment fait-on pour lutter contre rien ?
Puis elle le vit saisi d'un profond, d'un véritable désarroi, et sa surprise monta d'un cran. Parce qu'elle le quittait, elle avait enfin quelqu'un en face d'elle, un homme perdu mais extraordinairement présent, qui tempêta, pleura, menaça, ses yeux plantés droit dans les siens, un homme qui ne se moquait plus, un homme capable de la prendre par les épaules, de la secouer, de la poursuivre avec une conviction et une sincérité qu'elle ne lui avait jamais connues.
Il fait bon être occupé sans arrêt pour ne pas trop s'apercevoir qu'on n'a pas grand chose à partager avec l'époux qui est venu là en soupirant et qui, de son côté, se jette sur son vélo pour d'interminables escapades solitaires.
Quand elle [Christine] était sortie, un ciel bas, d'un gris fangeux, duquel semblait tomber une humidité poisseuse, lui avait fait rentrer la tête dans les épaules dès la terrasse. Après avoir juré entre ses dents, elle avait résisté à l'envie subite de revenir au chaud, comme un chat frileux fait demi-tour vers l'intérieur dès le seuil, le poil hérissé par le froid. Elle avait tellement de mal, en ce moment. Pour tout...
Je crois...Je crois en la vie, voilà. En la vie, tout simplement. Et que les choses peuvent être belles et bonnes, si on s'applique à les faire naître, et si on y prête attention. C'est tout.
Et si rien ne se passait, si rien ne changeait dans son existence, tant pis, il garderait au moins l'intégrité de son rêve, de ce qu'il était au plus profond. Il avait choisi. [Paul]
Paul n'avait pas eu de chance, il n'aurait pas dû venir au monde chez ces gens-là...
Des gens âpres, durs, que la pauvreté, subie de génération en génération, avait rendus bornés d'esprit et de sensibilité, comme rabougris et séchés dans leur condition.
bourgeois de merde ! s'ensuivit une diatribe contre cette engeance si méprisable, vautrée dans le mensonge, les faux-semblants, avec pour toute religion le respect des conventions et pour seul Dieu le fric, le fric, cette saloperie de merde de fric !!
était-ce un défaut que d'être exigeant, pour elle comme pour les autres, de ne pas supporter le mensonge, la bêtise, la lâcheté, de dire la vérité, d'affirmer ce qu'elle pensait haut et fort, sans tergiversations ni faux-semblants ? il y avait tant de mous et d'indécis en ce monde, qui s'arrangeaient pour louvoyer tant bien que mal dans l'existence sans opinions fortes, sans prise de conscience
Christine assumait sans états d’âme ses quarante-neuf ans et annonçait carrément trois ans de plus – une habitude qu’elle avait prise vers la quarantaine, histoire de s’offrir le luxe de devancer un peu les choses, de ne pas être prise au dépourvu par les chiffres, et aussi pour le plaisir d’enregistrer quelques mimiques surprises et flatteuses, amusée qu’on la trouve si fraîche, si pleine d’allant et d’allure si jeune pour son âge. Histoire aussi de voir ce que ça lui ferait quand elle aurait réellement le nombre d’années annoncées. En vérité, elle ne savait pas trop pourquoi elle avait commencé à pratiquer cette innocente bravade, ce pied de nez aux dates, à la convention sociale qui pousse les femmes à mentir pour se rajeunir. Parfois, elle s’y perdait elle-même et se trouvait obligée de compter.