Papa est mort. Mon père est mort depuis dix jours et maintenant enterré et depuis tout ce temps je me sens étouffée, bloquée, j'ai un terrible besoin de clarifier mes pensées - je préférerais dire mes sentiments - et je n'y arrive pas. J'aurais voulu écrire que je suis triste, bouleversée, déchirée, alors que je suis incertaine de ce que je ressens. Je ne peux dire qu'une chose : mon père est mort et je n'ai pas pleuré.
J'étais très jeune, alors, et j'avais un petit flirt qui venait parfois me chercher à la maison. Ma mère n'aimait pas ce garçon, elle le trouvait bête, et me demandait sans arrêt ce que je pouvais bien lui prêter comme qualités. Et, probablement parce que moi aussi je ne voyais pas grand-chose à dire à son sujet, je lui répondais : "il est beau." "Ca ne suffit pas", me repartit-elle. Et elle ajouta :"Tu t'apercevras un jour que, même pour faire l'amour, l'intelligence, c'est très important."
Il est peut-être plus facile d'être seul à mentir que deux à savoir.
Le silence retomba, petit à petit, et cela monta en moi. Je restai là, essoufflée de rire, les mains posées de chaque côté de mon assiette, et j'étais envahie par ... par un bonheur. Un bonheur, oui, il n'y a pas d'autre mot pour dire ce qui vous dilate intérieurement, ce qui vous fait monter aux yeux des larmes qui ne sont pas de tristesse et qui vous laisse muet, car il y a aurait trop à dire et les mots sont trop pauvres.