Parfois le malheur peut rendre les gens méchants.
Dans le débarras, la chandelle agonisait. La lettre gisait sur la table, près de l'enveloppe rose préparée par Marie. Un moustique se posa sur le mot « Paris » avant d'aller se prendre au piège de la cire chaude.
Le repas avait satisfait tout son petit monde : du pâté de lapin fortement aillé, une soupe aux choux où avait mijoté un bon bout de lard, et, pour le dessert, des œufs au lait nappés de caramel. Une gâterie rare, mais Nanette, ce dimanche 19 mars, avait voulu fêter la Saint-Joseph, le jour du mariage des oiseaux.
Il y avait eu la Marie d'avant, soumise, sage, soucieuse de l'opinion des autres et de ses devoirs. Il y avait à présent une seconde Marie, libérée d'un carcan invisible qui bridait ses gestes et ses élans.
Marie sentit son coeur s'alléger. Son père avait raison. Elle devait rire et reprendre confiance, pour son enfant.