Les baisers sur le corps font pleurer. On dirait qu'ils consolent. (...) Ce jour-là dans cette chambre les larmes consolent du passé et de l'avenir aussi.
Il dit que cela passera avec la nuit, aussitôt qu'elle arrivera. Je luis que ce n'est pas seulement parce que c'était pendant le jour, qu'il se trompe, que je suis dans une tristesse que j'attendais et qui ne vient que de moi. Que j'ai toujours été triste. Que je vois cette tristesse aussi sur les photos où je suis toute petite. Qu'aujourd'hui cette tristesse, tout en la reconnaissant comme étant celle que j'ai toujours eue, je pourrais presque lui donner mon nom tellement elle me ressemble.
Je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée.
De jour et de nuit, l'idée fixe. Ce n'est pas qu'il faut arriver à quelque chose, c'est qu'il faut sortir de là où l'on est.
Je vois bien que tout est là. Tout est là et rien n'est encore joué, je le vois dans les yeux, tout est déjà dans les yeux.
Il n'y avait pas à attirer le désir. Il était dans celle qui le provoquait ou il n'existait pas. Il était déjà là dès le premier regard ou bien il n'avait jamais existé. Il était l'intelligence immédiate du rapport de sexualité ou bien il n'était rien.
Non, il est arrivé quelque chose lorsque j'ai eu dix-huit ans qui a fait que ce visage a eu lieu. Ça devait se passer la nuit. J'avais peur de moi, j'avais peur de Dieu. Quand c'était le jour, j'avais moins peur et moins grave apparaissait la mort. Mais elle ne me quittait pas.
Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère. Je ne sais pas pourquoi je l'aimais à ce point-là de vouloir mourir de sa mort. J'étais séparée de lui depuis dix ans quand c'est arrivé et je ne pensais que rarement à lui. Je l'aimais, semblait-il, pour toujours et rien de nouveau ne pouvait arriver à cet amour. J'avais oublié la mort.
La mort était en avance sur la fin de son histoire. De son vivant c'était déjà fait, c'était trop tard pour qu'il meure, c'était fait depuis la mort du petit frère.
Je lui dis que ce n'est pas seulement parce que c'était pendant le jour, qu'il se trompe, que je suis dans une tristesse que j'attendais et qui ne vient que de moi. Que toujours j'ai été triste. Que je vois cette tristesse aussi sur les photos où je suis toute petite. Qu'aujourd'hui cette tristesse, tout en reconnaissant comme étant celle que j'ai toujours eue, je pourrais presque lui donner mon nom tellement elle me ressemble.