Je tremble d’avoir oublier tant d’amour
Je suis avertie déjà. Je sais quelque chose. Je sais que ce ne sont pas les vêtements qui font les femmes plus ou moins belles ni les soins de beauté, ni le prix des onguents, ni la rareté, le prix des atours. Je sais que le problème est ailleurs. Je ne sais pas où il est. Je sais seulement qu'il n'est pas là où les femmes croient.
Il est dans un amour abominable.
Dans les histoires de mes livres qui se rapportent à mon enfance, je ne sais plus tout à coup ce que j'ai évité de dire, ce que j'ai dit, je crois avoir dit l'amour que l'on portait à notre mère mais je ne sais pas si j'ai dit la haine qu'on lui portait aussi et l'amour qu'on se portait les uns les autres, et la haine aussi, terrible, dans cette histoire commune de ruine et de mort qui était celle de cette famille dans tous les cas, dans celui de l'amour comme dans celui de la haine et qui échappe encore à tout mon entendement, qui m'est encore inaccessible , cachée au plus profond de ma chair, aveugle comme un nouveau-né du premier jour. Elle est le lieu au seuil de quoi le silence commence.
Je n'ai jamais éctrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé croyant aimé, je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée.
Jamais bonjour, bonsoir, bonne année. Jamais merci. Jamais parler. Jamais besoin de parler. Tout reste, muet, loin. C'est une famille en pierre, pétrifiée dans une épaisseur sans accès aucun.
L’alcool a rempli la fonction que Dieu n’a pas eu, il a eu aussi celle de me tuer, de tuer.
La passion reste en suspens dans le monde, prête à traverser les gens qui veulent bien se laisser traverser par elle.
La même différence sépare la dame et la jeune fille au chapeau plat des autres gens du poste. De même que toutes les deux regardent les longues avenues des fleuves, de même elles sont. Isolées toutes les deux. Seules, des reines. Leur disgrâce va de soi. Toutes deux au discrédit vouées du fait de la nature de ce corps qu’elles ont, caressé par des amants, baisé par leurs bouches, livrées à l’infamie d’une jouissance à en mourir, disent-elles, à en mourir de cette mort mystérieuse des amants sans amour. C’est de cela qu’il est question, de cette humeur à mourir. Cela s’échappe d’elles, de leurs chambres, cette mort si forte qu’on en connaît le fait dans la ville entière »
L’image commence bien avant qu’il n’ait abordé l’enfant blanche près du bastingage, au moment où il est descendu de la limousine noire.
Dès le premier instant elle sait qu’il est à sa merci. Donc que d’autres que lui pourraient être à sa merci si l’occasion se présentait. Elle sait que’dorénavant le temps est sans doute arrivé où elle ne peut plus échapper à certaines obligations qu’elle a envers elle-même. Et que de cela la mère ne doit rien apprendre, ni les frères. [ …].
L’enfant maintenant aura à faire avec cet homme-là, le premier, celui qui s’est présenté sur le bac.