Je rêve (....) d'un enregistreur qui serait branché sur mon cerveau et capterait tout ce qui me traverse (... ) Je me souviens de ma tristesse, lors de mes premiers voyages avec mon frère Nicolas, quand j'avais le sentiment d'écrire des choses magnifiques dans ma tête, assis dans la benne d'un camion ou à l'arrière d'une voiture, et de les perdre irrémédiablement.
- La vie des autres intéresse tout le monde, je crois, à condition de trouver les mots pour la raconter. C'est comme la bouffe, si elle est cuisinée n'importe comment, personne ne va en vouloir. A mon avis, c'est dommage que nous ne soyons pas tous écrivains, très dommage?
- Vous rigolez ? Qu'est-ce qu'on ferait de tous ces bouquins ?
- On les lirait, bien sûr. Ils nous rendraient moins bêtes. Vous n'avez pas remarqué que tout ce que nous vivons , tout ce qui nous arrive, est déjà arrivé aux autres ? Seulement ils sont morts sans pouvoir nous raconter comment ils s'en sont sortis.
Et comme chaque fois que je me sens perdu, à la fois terriblement en colère contre le destin et tout près de pleurer, je m'imagine que je vais découvrir chez Gibert, comme par miracle, le livre qui me parlera de ce qui m'arrive et me donnera l'envie de me remettre à écrire.
Car bien sûr je vais écrire, comme je l'ai toujours fait, pour ne pas succomber sous le poids des évènements. J'ai toujours écrit pour ne pas mourir d'accablement...
Marc, faites-moi plaisir, m'avait-il dit en m'emmenant déjeuner, apprenez à profiter es bons moments que vous offre la vie.
Je rêve depuis l'année de mes vingt ans, peut-être, d'un enregistreur qui serait branché en permanence sur mon cerveau et capterait tout ce qui me traverse. Un enregistreur que je pourrais consulter le soir avant de me coucher pour récupérer des tirades entières.
c'est insupportable de penser à tous ces gens qui meurent sans avoir rien expliqué de ce qu'ils ont compris.
Une seule question m'obsédait, en vérité, pourquoi s'était-il acharné à faire de moi son ennemi, son redresseur de torts, alors que dans mon souvenir un père et un fils étaient forcément complices ? (p. 41)
Mais quelle étrange façon de penser, me dis-je alors, s'il a fait de moi un mauvais père, c'est sans doute qu'auparavant j'avais fait de lui un mauvais fils. Bien sûr, bien sûr. Lui, comme tous les enfants, il attendait ingénument d'être aimé pour ce qu'il était, et c'est moi qui ne l'ai pas aimé tel qu'il était, espérant sans me l'avouer qu'il soit un enfant différent, et probablement très exactement semblable au petit garçon que je fus, tiens silencieux et docile, plein de vénération pour son père et prêt à le suivre dans tous ses combats. (p. 43)
Car bien sûr je vais écrire, comme je l'ai toujours fait, pour ne pas succomber sous le poids des événements. J'ai toujours écrit pour ne pas mourir d'accablement. (p. 116)