Des enluminures aux livres scolaires en passant par les cubes en bois et les images d'Epinal, l'auteur, de maisons d'éditions en maisons d'éditions nous énumère les genres d'abécédaires que l'on pouvait trouver au fil du temps. Et les genres, finalement, ils sont les mêmes d'un éditeur à l'autre et nous voilà alors avec les abécédaires pour filles et pour garçons, ceux avec les animaux domestiques et les animaux sauvages, ceux dédiés à la bonne éducation et à la bonne orthographe, ceux concernant les métiers ordinaires et extraordinaires, ceux consacrés à l'évolution technologique (une source inépuisable!), ceux dits militaires où l'on retrouve en détail costumes et armes... Et pour chaque maison, on reprend la série avec quelques clins d'oeil toutefois pour ne pas rendre la lecture totalement inintéressante.
Ainsi, on trouve de la diversité dans l'illustration :
« … à la lettre K, par exemple, les images montrent un « Kabile de l'Afrique, Ayant le teint couleur de brique », un « képi », un kakatoès », « Kérodec, le loup de mer et un « kroumir ». »
Comme l'abécédaire est avant tout une base pour apprendre à lire, à chaque lettre correspond soit une petite phrase soit même un court texte que l'enfant rapidement maîtrisera. Fin du XIXème siècle, on trouve ainsi à la lettre G le mot associé Glaneuse avec cette belle définition :
« Elles sont attentives et alertes, car il leur faut n'oublier aucun grain si elles veulent que fructueuse soit leur récolte, et disputer aux petits oiseaux la part à laquelle ceux-ci prétendent avoir droit. » D'une simplicité enfantine donc ;-)
Mais qu'on ne s'y trompe pas, l'abécédaire n'est pas réservé exclusivement aux bébés et enfants en âge scolaire, et les publicistes des grands magasins ont bien compris l'intérêt de ce genre d'outil pour faire la publicité des différents rayons et ce dès le milieu du XIXème siècle. Et là, ce sont les adultes qui sont ciblés à coup de potages, de biscuits, de chocolats et de médicaments miracles. Plus amusants, toujours pour les adultes, les abécédaires comiques où les caricaturistes s'en donnent à coeur joie. Et avec l'avènement des cartes postales début du XXème siècle viennent aussi les abécédaires « amoureux », ceux consacrés aux soldats en temps de guerre et ceux moqueurs, presque méchants, pour les domestiques…
Un exemple en passant :
« Euphémie, qui laissait tomber son ratelier dans le pot-au-feu » ou encore « Zoé, qui lavait la salade dans le seau hygiénique ».
Du parchemin à la toile indéchirable en passant par le simple papier, le bois et le carton, l'abécédaire s'est démocratisé rapidement et est devenu un incontournable pour les familles où il trônait en bonne place dans la pièce à vivre.
Plus que l'histoire d'un objet, c'est
L Histoire que l'on peut lire à travers ces abécédaires, tous pareils et pourtant tous différents et riches des us et coutumes du temps qui passe. On y trouve alors l'évolution des jouets pour les filles et pour les garçons, la diversité des jeux en extérieur et leurs transformations au fil du temps, la richesse du langage de tous les jours mais aussi celui de la rue et des bouffonneries. Une mine d'informations donc pour étoffer l'histoire de nos aïeux, une petite fenêtre colorée sur leurs vêtements, leurs amusements et leurs environnements.
En conclusion, les illustrations sont géniales et donnent vraiment envie de trouver chez un brocanteur un ou l'autre de ces anciens abécédaires. Pour le texte par contre, après la liste des maisons d'édition, l'auteur passe en revue la liste des illustrateurs qui, même si certains sont connus comme
Jean de Brunhoff (papa de Babar) ou encore
Joseph Porphyre Pinchon (papa de Bécassine), est assez fastidieuse à lire. Néanmoins, un tout bon documentaire sur l'histoire de l'abécédaire, premier livre des touts-petits ;-)
Et pour terminer joyeusement cette critique, pourquoi pas la lettre J :
« Le jardinier chasse le jeune jars qui joue jusque sur les jacinthes. »