Ce qui distingue ce court roman, publié au
Mercure de France, c'est sa volonté de dépeindre les petits rats comme des adolescents normaux ou presque. Bien que leur journée soit ponctuée par les cours et la danse, ils s'intéressent donc aux choses de leur âge et s'inquiètent avec une acuité particulière à l'évolution de leur corps et de leurs désirs. Il faut rappeler combien l'adolescence est source d'angoisse, a fortiori chez les jeunes danseurs, confrontés à l'injonction de correspondre à un canon physique bien établi. A ce niveau, le roman d'
Astrid Eliard est une réussite. On suit les trois personnages avec intérêt, d'autant plus que leurs différences de caractères laissent deviner toutes les individualités qui peuvent se cacher derrière l'uniformité visuelle d'un corps de ballet. A ce titre, j'ai d'ailleurs été très intéressée par le personnage de Chine, moins rêveuse mais aussi moins classique que Delphine, qui trouve son épanouissement dans la discipline et la normalisation du mouvement. L'amitié-rivalité qui se dessine entre elle et Delphine est également décrite avec justesse et sensibilité.
Ce qui me laisse perplexe, en revanche, c'est la fin du roman. Elle arrive trop vite, trop brutalement, et si cela sert le propos, nous faisant vivre l'expérience de la violence du monde de la danse et du difficile retour au réel qui s'ensuit, j'ai néanmoins l'impression qu'il manque quelque chose. Les personnages étaient réalistes et bien campés, et
Danser s'est arrêté au moment où j'aurais voulu qu'il décolle. Peut-être est-ce d'avoir trop mangé de littérature romanesque, mais il manque à mon goût un petit quelque chose qui permette de rendre le tout plus fort et, surtout, plus marquant.
En s'attaquant à l'enfance et à la danse classique, l'auteur marche sur un terrain difficile, rapide à reléguer du côté de la littérature mineure, dans tous les sens du terme.Est-il même possible de parler de la danse sans tous ses oripeaux de rêve ? le quotidien évoqué de nos trois élèves, leur rapport à la cellule familiale sont bien décrits, sans idéalisation et loin des profils type. C'est un pas en avant. Mais je suis persuadée qu'il reste encore beaucoup à dire sur cet univers qui peut sembler si hermétique au premier abord. Et si la publication de
Danser au
Mercure de France peut ouvrir la voie et y inviter, j'en serais ravie.
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