Comment survivre à sa propre famille

... Watzlawick, [...] a pris conscience de sa propre situation dans la thérapie - il s'est rendu compte qu'il n'était pas un observateur extérieur, sans incidence sur ce qui se passe, mais qu'il appartenait lui aussi au système humain qu'il analyse, et qui l'englobe. Dès lors, la question à se poser changeait encore : ce n'était plus : "Que font-ils ensemble ?", mais "Qu'est-ce que nous faisons ensemble ?" Et, du coup, la conception même du changement thérapeutique évoluait : la manière dont s'utilise le thérapeute en séance pouvait contribuer à changer les règles de ce système auquel il appartient au même titre que les membres de la famille.

Pour compléter cette synthèse générale, il faut relever l'une des spécificités de la relation parent/enfant, que je formulerais ainsi ; si l'autre est mon enfant, j'ai des responsabilités par rapport à lui qui sont différentes de celles qu'il a par rapport à moi. Je ne peux donc pas me comporter par rapport çà lui comme s'il était mon frère ou ma soeur, ou l'un de mes parents. Notre relation 'n'est pas symétrique : c'est à moi de faire le premier pas sans attendre qu'il le fasse - ainsi, j'accepte mon rôle de parent et la responsabilité qui en découle.

Pour le thérapeute de famille confronté à des histoires complexes qu'il démêle souvent comme un écheveau de laine, aide à s'ouvrir aux différentes questions qui éclosent est une nécessité.
Cela permet de clarifier (même arbitrairement) les différents niveaux de complexité, non pour simplifier à outrance mais pour donner des repères, permettre aux gens de se poser de nouvelles questions, créer un nouveau vécu, et laisser un espace de liberté se dessiner pour que des perspectives originales s'ouvrent dans les relations qui emprisonnent, enferment, étouffent les protagonistes du drame sans fin qui se joue devant et avec le thérapeute.

J'appelle "programme officiel" la demande explicite que fait le membre d'un couple à l'autre, par exemple : "Occupe-toi davantage de moi", "Sois plus proche de moi". Ce programme officiel doit être distingué d'une "construction du monde", élaborée à partir des expériences antérieures, qui peut le contredire totalement ; par exemple : 'Toutes les personnes qui prétendent m'aimer ne peuvent que m'abandonne." A un niveau superficiel, quelque chose est demandé, mais à un niveau profond on ne croit pas que ce qui est demandé puisse être obtenu.

Si je suis convaincu que charité bien ordonnée ne peut commencer que par l'autre, je pourrai peut-être faire surgir de nouveau.

Quand l'autre me dit quelque chose que je ne comprends pas, il est important que je me dise ; "Si je ne comprends pas, c'est que certains éléments m'échappent, mais de toute façon, cela fait sens pour lui." Pour reprendre une formule fameuse de l'école de Palo Alto, "on ne peut pas ne pas communiquer" ; de la même façon, on ne peut pas ne pas faire sens.

Il faut bien dire que ce dont nous sommes le plus souvent conscients dans notre fonctionnement psychique, ce qui nous pousse à agir, à vouloir que les choses changent, c'est finalement la souffrance. Et c'est aux moments où elle est particulièrement intense, où elle semble ne déboucher sur rien d'autre qu'elle-même; qu'un couple vient généralement consulter.

... tout couple a des possibilités thérapeutiques ; tout couple, dans certaines circonstances, peut évoluer en puisant dans ses ressources propres, d'une manière telle que l'un et l'autre cessent de faire et de se faire ce dont ils ne connaissent que trop bien le résultat. Mais, pour que ces potentialités se réalisent, il faut que le thérapeute se contente d'un espace plus limité : c'est son retrait relatif qui permettra à l'un des partenaires, ou éventuellement aux deux, de partager avec lui sa fonction.

... cette formule frappante de Charlotte ; "Maintenant, j'ai des problèmes, alors qu'avant, j'étais un problème." Peu à peu, les deux conjoints façonnent un équilibre nouveau, et sortent de cette ornière par laquelle ils devraient jusque-là repasser encore et encore.

.. les familles, comme les couples, ont aussi un potentiel thérapeutique, lorsque leurs membres ne renforcent pas mutuellement leurs croyances profondes.