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Un des meilleurs volet de la trilogie de Ellroy, le second, sur les Etats-Unis des années 60 (triologie : American Tabloïd / American death Trip/ underwold américa)
Soit son pharaonique et mégalomaniaque projet de réécriture de ce morceau d'histoire incontournable de ce territoire sauvage.
Ellroy, c'est d'abord un style; concis et grossier, une claque à la bienséance.
L'écriture d'un autodidacte en transe, ancien toxico, monomaniaque et compulsif (lire de lui "ma part d'ombre"/fabuleux).
Ce style est inégalé et inégalable dans le contexte polar où, tel un caïd, il semble parfaitement adéquate.
C'est violent, vulgaire, plein de rythme et d'images; certains ne supporteront pas.
Grande particularité de Ellroy; nous mettre dans la tête même du personnage; brute ou pute, peu importe, vous êtes au premières loges.
et d'alterner avec des passages à la troisième personne, plus distanciés mais tout autant savoureux.
Tout cela au service du vice, sous toute ces formes et à tous les niveaux; âmes sensibles s'abstenir, optimistes ou fleur bleu: not for you.
Bienvenue dans le sordide underground magnifique, mondes interlopes peuplés d'intermédiaires experts en mal absolus, nés pour "faire du mal" pour de l'argent.
Vous allez naviguer de flic corrompus, en acteurs concupiscents d'un Hollywood à bout de souffle, en boxeurs alcooliques, jusqu'aux barbouzes de la mafia, de la CIA et autres multicartes de la société du crime organisée.
Car pour Ellroy, les E-U sont avant tout et finalement, une nation vicieuse et criminelle, avant d'être un bigoterie WASP de bonne aloi qui cache son jeu.
La mort de Kennedy; il a sa thèse, loin d'être idiote...
Les droits civiques; il en a sa version.
Le Vietnam; il peut en parler; cela a surtout servi à inonder le pays d'héroïne.
Une paranoïa Ellroy: surement, la meilleure, même Oliver Stone lui mange dans la main.
Le vice.
Si vous êtes un peu morbide ou voyeur, vous allez adorer...
vous en redemanderez et vous serez servi; l'oeuvre est grande, de qualité et diverse dans ces sujet (le second sujet de Ellroy est le crime sous toute ces formes et les enquêtes pour les élucider).
Il en est l'expert officiel, tant dans ses portraits d'obsédés sexuelles, que de personnages comme Edgar Hoover ou d'Howard Hughes (le vampire Mormon de Las Vegas), en passant par toute une galerie d'acteurs célèbres de l'époque.
Cela se passe à L.A, Vegas et Saïgon ou La Havane (chez les barbus Fidel et Ché).on voyage rapide d'un continent à l'autre.
on intègre une bande de barbouses qui émargent, selon les jours entre mafia, CIA;FBI et LAPD.
la course à la corruption est déclarée, faite vos jeux.
Succulent, génial, addictif.
Politiquement hyper incorrecte.
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L'Amérique et ses névroses, partie 2
Après un premier tome noir et sans espoir, James Ellroy pousse le bouchon au point de l'abstraction avec American Death Trip (The Cold Six Thousand en VO).
Si vous étiez surpris par l'épure qui officiait dans American Tabloid, préparez-vous à aller encore un cran au-dessus avec cette suite.
Le livre couvre une deuxième tranche des 60's et pas des moindres, la période ayant vu l'enquête sur l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy sabordée jusqu'aux meurtres de Martin Luther King et Robert Kennedy.
À la narration, on retrouve 2 des personnages présents dans American Tabloid, et un petit nouveau qui semble-t-il pourrait amener un peu de lumière dans cet océan d'obscurité. Attendez de voir la suite...
C'est encore une fois la dissection d'une Amérique dirigée par les intérêts financiers, les turpitudes sexuelles et la mauvaise conscience.
Dallas, Las Vegas et Vietnam réunit dans un même pavé, établissant une ligne d'horizon où seuls le chaos et la vanité se frayent un chemin. Une voie avec pour seule issue un mur impitoyable (leur limite, leur lassitude, leur regrets).
Certains y retrouveront une humanité perdue, d'autres y cèderont la leur.
James Ellroy arrive à la quintessence d'un style tranchant et labyrinthique.
Un pavé de près de 1000 pages qui se lisent à la mitraillette.
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Les assassinats de martin Luther King et de Robert Kennedy racontés par James Ellroy. A travers 3 personnages étonnants Pete, Ward et Wayne, le roman se déroule comme un enchainement de faits et d'intérêts qui convergent vers de dramatiques conclusions.

La Grande Histoire se déroule, Vietnam, Cuba, élections, ségrégation, Las Vegas, Howard Hughes, Nixon, la Mafia, trafics d'armes et de drogues… ce roman fleuve est une chronique haletante des années 60.

James Ellroy signe un roman noir grandiose qui conduit au coeur des instincts les plus abjects de certains personnages. Les plus mauvais sont capables de bonté et les meilleurs tuent.
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Un livre incroyable, deuxième tome d'une trilogie mais qui peut (devrait ?) se lire indépendamment (puisque je ne l'aurais sans doute pas lu si j'avais eu d'abord le tome précédent entre les mains). Un claque littéraire, moderne, originale, un style expérimental plus poussé encore que dans ses autres polars que cette incursion dans son univers m'a permis de découvrir et de dévorer durant des mois par la suite (à l'exception du premier tome de cette trilogie, qui est curieusement le seul de ses romans que je n'ai jamais réussi à finir)
Lien : https://collectifpolar.com/
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Ellroy distille sa version de l'assassinat de Kennedy dans un récit tentaculaire et vertigineux. Très exigeant ne fut-ce que par le nombre de personnages, le roman nous fera voyager entre Washington, Cuba, Las Vegas et nous introduira au sein de la mafia, de la CIA et du syndicat des camionneurs. On devine le travail de documentation titanesque d'Ellroy avant de s'embarquer dans cette aventure. Si pour vous l'Amérique est toujours un mythe et les Kennedy des gendres idéaux, cette lecture risque de vous faire tomber de haut. du grand Ellroy !
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Ce Ellroy. J'avais nagé avec délice dans le American Tabloid, j'ai refermé le livre, fébrile, en attendant de replonger dans la suite immédiate du-dit. American Death Trip, qui n'existe pas en format poche, qui pèse 1,02kg, et dont personne ne parle, alors que cet autre pavé est tout aussi passionnant et documenté que le premier.
Fin du Tabloid : le 22 novembre 1963, vers 13h.
Début du Trip de la Mort : le 22 novembre 1963 vers 13h30. C'est parti pour un voyage de cinq ans, aboutissant en 1968 à la mort par assassinat de Bobby Kennedy, peu après la mort de Martin Luther King.
On retrouve nos chouchous - m'est arrivé de dire à haute voix le nom de Pete Bondurant, comme ça, pour le faire sonner en entité dense et complexe - Pete Bondurant avec des litres de sang sur les mains, Pete Bondurant amoureux, Pete Bondurant blotti en sa rousse épouse Barb qui, comme Bassinger dans L.A. Confidential, s'occupe de la rédemption de son héros sulfureux couvert de cicatrices.
Et puis les autres, dans leur complexité. Et Hoover dans sa rampante folie, et Howard Hugues en Comte Drac buveur de sang et mangeur de casinos. Bobby est là, j'en aurais voulu plus, mais il est là quand même. Les mafieux continuent de faire leurs petites affaires, à la fois rancuniers et efficaces, suivant en ligne rouge leurs intérêts qu'ils adaptent suivant le contexte.
Un nouveau entre en scène, Wayne Tudrow, fils de Wayne Tudrow, quel fistouilleur ce Ellroy de nous perdre entre Wayne et Wayne Sr, admettons. Comme toujours, extrêmement bien campés, ses héros, avec leurs infectes parts d'ombre et une petite lumière qui nous autorise à (un peu) croire en la vie et en l'humanité.
On se déplace vers le sud, le sud à l'incommensurable racisme ancré dans les gènes, dans les veines, dans les souffles. On s'installe encore plus à Las Vegas. Cuba reste dans les esprits mais cette fois, on va aussi visiter le Vietnam.
1963-1968, Lyndon Johnson est président, il est à la fois anti-coco réac et sincèrement pour les droits civiques ouverts aux Noirs, l'étrange bonhomme sans charme (après JFK personne ne pouvait lutter sur ce plan). Lyndon Johnson qui, parait-il, adorait montrer fièrement sa quequette à son entourage sans tarir d'éloges sur ce fier membre de son anatomie… Décidément, le pouvoir rend bizarre…
Dans ma critique de American Tabloid, je me demandais ce qu'il en était de ce flic, Tippit, qui apparait sans vraiment de raisons, et dont je savais qu'il avait été tué par le supposé Oswald trois-quart d'heures après l'assassinat de Kennedy. "A moins qu'Ellroy n'en parle dans le Death Trip" ajoutais-je… Banco, Tippit est à sa place. "Ellroy n'évoque pas la guerre du Vietnam dans le Tabloïd, une guerre pas officiellement déclarée du temps de Kennedy, mais la présence américaine était déjà bien active en sous-main". Banco, là aussi on y est, et si la guerre est effleurée, le trafic d'héroïne est par contre bien documenté.
La violence entre ces foutus humains, à tous les stades, est quasi un personnage à part entière dans ce sacré bouquin (tout comme dans A. Tabloid d'ailleurs).
Violence de la mafia qui ne pardonne rien et fait nettoyer tout ce qui risque un tant soit peu de gêner ses dirigeants, et/ou tous ceux qui l'ont un tant soit peu trahie.
Violence des états du Sud confédéré envers les Noirs, viscérale, qui ne s'aère d'aucun problème moral, qui ne se nuance d'aucune réflexion, pour ces têtes pleines de KKK, c'est comme ça, c'est admis, c'est sain, c'est même parfois rigolo et c'est très bien - et quiconque nous gêne dans ce parcours sera supprimé avec une joie non-dissimulée.
La violence des bas-fonds, où la sexualité ouvre à d'atroces exactions, ça, c'est un peu le dada d'Ellroy dont la mère a sauvagement été assassinée quand il était petit.
La violence du trafic de drogue, depuis les champs de pavot du Laos jusqu'à l'arrosage dans les bas-fonds sus-nommés, des esclaves par ci, des camés-cobayes là, telle population qu'on asservit, rapport qualité-prix aléatoire car fluctuant, mais qu'importe, il y a moyen avec cette arme fatale de bâtir des fortunes rapides, l'aventure c'est l'aventure, qu'importe si du monde tombe au passage.
La violence ancestrale de l'Asie autour du sacrificiel Vietnam. Aussi bien au nord, du côté communiste où l'on est habité par la lutte, qu'au sud du côté de la vieille organisation corrompue, avec au milieu ces soldats américains comme cheveux sur la soupe, la vie humaine n'a aucune espèce d'importance. Les gens, le peuple, vous, nous, ça tombe à tour de bras, chair à canon, chair à héroïne, chair à exploiter, chair à propagande, chair sans intérêt dont les chefs disposent à leur guise, dans chaque camp.
Et enfin, la violence faite aux femmes, côté blanc mâle alfa qui ne souffre aucune contrariété, côté cinglé noir ricanant à violer puis assassiner, côté asiatique à prostituer à torturer comme du joujou vivant qu'on utilise jusqu'à l'os,
Ellroy nous en balance par tonnes, de la violence, et le pire c'est qu'on le croit, on croit à son monde si sombre.
J'ai réalisé que l'histoire millénaire de l'Asie est ultra-violente depuis l'empereur Qin en passant par le Japon jusqu'aux sanguinaires dictatures pseudo-communistes,
Avec ce chef d'oeuvre qu'est American Pastorale de Philipp Roth, et les tableaux noirâtres dEllroy, j'ai vu en quoi l'histoire centenaire de l'Amérique est elle aussi malaxée de violence, presque comme si c'était un pilier fondateur de ce pays,
et là on comprend à quel point un gars (une fille) de bonne volonté qui essaie d'adoucir un peu le quotidien de nos amis les gens, façon Martin Luther King par ci ou Bobby Kennedy par là, a une montagne de pain sur la planche… à quel point c'est un boulot sans fin, un tonneau des Danaïdes, où on laisse facilement sa peau… A quel point ceux qui ont essayé quand même, parce que sinon, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, ont eu du courage, de la ténacité, de la fermeté, de l'intelligence. Pas à pas, dans des vents contraires soufflant à 200 à l'heure, face à des haines tatouées. C'est sans fin, ça recommence au XXIè siècle, non je ne suis pas en dépression, non Ellroy n'a pas entamé mon moral d'acier, mais pfouh…
Mais passionnant. Il est FORT ce gars. Pas d'hésitation, ce deuxième volet du triptyque vaut le déplacement.
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American death trip est le second opus de la trilogie American Under World et est presque aussi bon que le premier. Naturellement il y a de nouveaux personnages et d'autres qui sont immuables tels J.Edgar Hoover, R.F.
Kennedy, les parrains de la mafia et autres. L'ambiance est la même: complots, meurtres, magouilles, tricherie, brassage de boue et autres immondices, mais l'accent est moins sur la chasse au communisme et davantage sur le racisme, la guerre à Martin Luther King cette guerre devient une chasse, et il y'a aussi la guerre du Vietnam et la façon dont certains vont se servir de cette guerre qui dérape et s'éternise pour dissimuler et développer le trafic d'héroïne ou d'ero-ouine comme le dit l'auteur.

C'est trépidant, palpitant, bourré d'action et en même temps C'est presque un documentaire sur l'Amérique des années 60 avec ses figures mythiques: JFK,RFK, Hoover, M.L.King, Howard Hughes, L.B.Jhonson Sonny Liston, Cassius Clay, Sinatra, Rita Hayward etc...

Dans la vie je ne suis pas complotiste pour deux sous ,par contre j'aime bien un bon de bons gros complots quand je lis un thriller où un polar et James Ellroy n'est pas avare de ses complots ce qui rend la lecture un peu plus ardue si on n'a pas bien suivi. Pour contrer ce problème J'ai pris des notes dès le début de ma lecture pour pouvoir m'y retrouver sans avoir à faire de constants retours en arrière. Ça peut paraître un peu pénible de prendre des notes mais croyez moi, le temps consacré à le faire est vite récupéré par la suite car il faut dire que la quantité de personnages impliqués dans ce pavé de 945 pages est phénoménale et les multiples complots et arnaques font qu'on peut vite s'enmeler les pinceaux. Un seul point m'a agacé dans l'écriture de Ellroy C'est le recours à des phrase de très courtes comme par exemple: ...Pete l'embaucha. Pete recupera ses clients. Pete rafle neuf legislarteurs.... Ce recours à un style que je ne saurais qualifié donne lieu à une lecture hachée, à une sensation de précipitation, un sentiment d'urgence. Une fois de temps en temps ça va mais Ellroy à recours à ce procédé un peu trop souvent à mon goût. Ce petit point négatif n'enlève rien à l'intérêt du roman et à la qualité de la documentation de l'auteur qui est considérable. C'est tout un travail qu'a accompli James Ellroy, chapeau. Avant de lire le dernier volet de cette trilogie je vais faire une petite pause.
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Il est toujours étonnant de constater à quel point l'amour et la haine sont des moteurs puissants de l'action humaine. James Ellroy, dans American death trip, en livre une preuve flagrante dans ce deuxième opus de la trilogie Underworld USA, fresque historique dans laquelle les sentiments humains ont une place prépondérante, en ce qu'ils modifient durablement la destinée d'un pays. La haine, principalement, occupe une place monstrueuse dans le roman : monstrueuse par ses formes, monstrueuse par ses conséquences. Sous l'apparence d'un roman noir historique, James Ellroy analyse cinq années déterminantes dans l'histoire des Etats-Unis. Il met ainsi à jour les mécanismes du fonctionnement politique d'un pays à travers l'examen des relations inter-personnelles. Si les hommes sont ainsi au centre du récit, ils n'en sont pas moins des pions dans un jeu à échelle mondiale. Ellroy délivre aussi, dans ce roman, une réflexion sur la liberté et sur la Chute, deux principes mis en tension comme un fil sur lequel le rêve américain tâche de garder l'équilibre, sans y parvenir.

Pour disséquer le cadavre du rêve américain, le docteur Ellroy utilise l'écriture comme un scalpel. C'est froid, c'est clinique. Sujet, verbe, complément, répétition des noms propres. le lyrisme n'a pas sa place ici : on risquerait d'y rencontrer de la beauté. Seuls écarts à cette narration : les insertions de retranscription de conversations téléphoniques secrètes, de rapports et de lettres secrets, les titres des Unes des journaux américains pour accélérer le temps en montrant ce qui connu par le public ainsi que les tendances populaires. Formellement, le livre déroute, un peu à la manière de David Peace, dans Rouge ou mort. Ellroy ne montre que les faits, et il les décore de documents ayant l'air réels. Toutefois, il ne faudrait pas oublier ce qu'est American death trip : un roman noir historique. Un roman, c'est donc une fiction. D'ailleurs, Ellroy ne prétend pas dire la vérité, toute cachée qu'elle soit ; simplement, il révèle les mécanismes systémiques qui ont probablement permis l'élimination physique de trois hommes d'envergure nationale dans la première puissance économique mondiale. Ce faisant, Ellroy démontre aussi comment les histoires personnelles, toutes grandioses qu'elles soient, sont broyées dans la grande Histoire : l'individu est écrasé par la marche collective des événements.

L'Histoire contée ici, c'est celle des Etats-Unis entre le 22 novembre 1963 et le 5 juin 1968. Deux frères, deux assassinats : John Fitzgerald Kennedy à Dallas, Robert Francis Kennedy à Los Angeles. Deux frères intègres, incorruptibles, qui tombent sous les balles de déséquilibrés. Deux assassinats, entre lesquels le pays connaît des années charnières, des luttes intérieures et des luttes extérieures, des luttes visibles et des luttes invisibles. Ces années 1963-1968 sont les années d'une guerre Froide dans un pays qui ronge son échec à Cuba et lance les hostilités au Vietnam. Ce sont aussi les années de la lutte pour les droits civiques, menée par le pasteur Martin Luther King. le chantre de la non-violence tombe lui aussi sous les balles, deux mois avant Robert F. Kennedy. le pays change, n'en déplaise à certains : les anti-castristes, la mafia ... Dans ces années, c'est la Pieuvre qui est à la manoeuvre. La thèse romancière d'Ellroy est celle d'une collusion entre les grandes familles de la mafia américaine, laquelle collusion entérine l'élimination physique des Kennedy. Mais Carlos Marcello, John Rosselli, Sam Giancana, Moe Dalitz ne se salissent pas les mains. Ils font appel à des experts. Pierre "Pete" Bondurant est de ceux-là. La Mafia est partout. La Mafia est derrière les grands événements qui font l'histoire des Etats-Unis (assassinat des Kennedy), et quand elle n'est pas derrière, elle en profite (guerre du Vietnam), car le véritable moteur, c'est l'argent (d'où Las Vegas comme centre véritable de l'action du roman). Vegas : ville du vice, des casinos, que le magnat Howard Hughes veut racheter. Les grandes familles de la mafia s'accordent pour monter une arnaque : il s'agit de vendre les titres de propriété, mais de garder le contrôle sur argent qui circule dans les casinos, notamment à travers le système de l'écrémage. Seulement, la Mafia n'est pas omnipotente. La Mafia s'accorde avec les pouvoirs politiques secrets américains, symbolisés par le patron du FBI : John Edgar Hoover.

Les événements contés ici sont tous liés les uns aux autres. Ils sont liés parce que les mêmes hommes et les mêmes organisations sont à la manoeuvre. La Mafia décide de l'élimination des Kennedy car ceux-ci veulent mettre fin au crime organisé : Hoover approuve pour des raisons idéologiques. le Président Johnson décide d'une intervention au Vietnam pour contrer le communisme : la Mafia y voit une occasion de faire de l'argent pour mieux étendre ses activités illégales (écrémage des casinos, prostitution, chantage ...). le Ku Klux Klan exécre Martin Luther King par racisme : Hoover approuve par idéologie. le centre névralgique de cette Amérique criminelle est Las Vegas, Sin City, où le rêve américain illusionne tous ceux qui s'y rendent. On pense devenir riche avec une machine à sous : on enrichit davantage les pontes de la Mafia. Seulement, Ellroy ne se contente pas d'aligner les événements les uns à côté des autres : il montre comment des hommes et des femmes vivent dans ce système, comment chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Certains hommes décident : Carlos Marcello, Siam Giancana, John Rosselli, Howard Hughes, J. Edgar Hoover. D'autres agissent : Pete Bondurant, Ward Littel, Wayne Tedrow Jr, Jean-Philippe Mesplède. L'Histoire se fait grâce aux hommes. Les hommes aiment et les hommes détestent. L'argent n'a pas de pays, ni d'idéologie.

Les hommes font L Histoire. Ils parlent, concluent des accords, reçoivent des ordres, montent des affaires, intimident, extorquent, torturent, tuent, sont manipulés, sont espionnés, font chanter, font l'amour. Les hommes que Ellroy met en scène sont manipulés. Ils en savent assez pour prendre des décisions ; ils ne sont pas assez importants pour que leurs avis comptent. Chacun poursuit des intérêts qui lui sont propres, et ils sont prêts à servir les intérêts d'autrui, voire a s'oublier quelque peu, pour servir les leurs. Wayne Tedrow Jr, déniaisé à Dallas, poursuit le meurtrier de sa femme. Wendell Durfee, de sa haine vengeresse. Pete Bondurant veut servir la Cause anti-castriste à Cuba. Ward Littell prétend racheter les opérations qu'il a imaginées au profit de la Mafia et les informations qu'il a données à Hoover en renseignant Bobby Kennedy et en finançant Martin Luther King.

Parfois, les personnages perdent leur objectif de vue, pris qu'ils sont dans l'enchaînement des événements. Il n'en reste pas moins que chacun d'entre eux évolue dans un monde où la confiance et la trahison coexistent, se superposent, animent les relations inter-personnelles. le double jeu est obligatoire : on ne saurait montrer ses cartes sans y être obligé. La trahison semble toutefois être le mot-clé qui définit ces relations. Ward trahit Hoover en finançant King, tandis que Hoover trahit Ward en le faisant surveiller. Wayne est trahi par son père, un Mormon conservateur membre des Pionniers de Las Vegas ; Wayne trahit son idéal par haine de Wendell Durfee et accepte de travailler comme chimiste pour Bondurant au Vietnam. Bondurant est trahi par son coeur qui lâche, par Barb qui sniffe de l'héroïne, par Stanton qui le double dans leur commerce illégal vietnamien, par les Parrains qui n'ont que peu à faire de la Cause.

L'autre mot-clé qui définit les relations inter-personnelles est le mot violence. Toujours justifiée par l'intérêt supérieur parce que personnel et individualiste, la violence s'exerce de manière impitoyable et sous diverses formes. Violence psychologique avec le chantage, l'intimidation (Moore, policier de Dallas, intimide Bowers qui a été témoin de l'assassinat de Kennedy ; Ruby est contraint à tuer Oswald), violence physique avec les bastonnades, les tortures, les détecteurs de mensonge passés par les équipiers de Bondurant qui livrent des armes à Cuba, les meurtres.

Noir, le roman ne l'est pas que par la violence qu'il véhicule. Ellroy interroge aussi le concept de liberté, vertu cardinale aux Etats-Unis, et pour laquelle l'auteur dresse une perspective pessimiste. Voilà le grand pays des libertés individuelles, mais qu'en est-il réellement ? Voici une catégorie de population, les Noirs américains, dans la rue pour défendre leur accès aux droits civiques. Voici une catégorie d'hommes qui se disent au-dessus des lois, qui corrompent police et hommes politiques, qui décident des orientations politiques d'un pays : et pourtant ils dépendent de l'argent. Et si, a fortiori, les hommes qui refusent les règles du jeu ne sont pas libres, alors ceux les acceptent, citoyens ordinaires, le sont moins encore. de là découlent de sérieux doutes quant à l'état de la démocratie américaine, menacée par l'argent et ceux qui le possèdent.

L'argent comme nouvelle vertu cardinale, nouveau dieu à vénérer. Mais ce dieu ne tolère que les chutes et ne permet pas la rédemption. C'est là le deuxième thème de la narration d'Ellroy. La chute comme prétexte à la rédemption est un symbole fort aussi dans l'imaginaire américain. Mais force est de constater que les personnages qui chutent - chute physique pour Pete et Barbara, chute psychologique pour Ward incapable d'accepter les conséquences de ses actes, chute morale pour Wayne qui devient une cheville ouvrière du trafic de drogue à Las Vegas - ne peuvent pas espérer de rédemption. Ils ne souhaitent que la liberté : elle ne leur sera accordée que dans d'atroces conditions.
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Ici on est en pleine revisite de l'affaire Kennedy ! Avec ce qu'il faut de talent de l'auteur pour nous faire passer une xcellent moment de lecture on se regale avec ces pages tres bien ecrites et pleines de rythme !A ne pas rater !
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Underworld USA, tome 2/3. Encore plus épais que le tome 1. Style télégraphique encore plus épuré. Assez bizarre à lire, mais on se laisse vite hypnotiser et quand on a pris le rythme: Subtil, unique, incroyable, fantastique !
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