AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Darkcook


Un retour à Ellroy fort appréciable après plusieurs années à l'avoir délaissé... Je ne comprends pas trop certaines critiques vives ici, mais je pense que ce n'est pas le bon livre pour le découvrir : C'est une compilation d'articles et de nouvelles fonds de tiroir entre deux grands romans. Il n'y a rien à en attendre de plus que des redites sympathiques de sa vie ou de ses thèmes de prédilection. Ceci étant dit, j'ai eu davantage : Moi qui avais absolument adoré son autobiographie La Malédiction Hilliker et qui croyais avoir tout lu et tout entendu tant j'avais regardé d'interviews, je n'avais pas vraiment réalisé certains détails de l'étendue de sa déchéance de jeunesse, que l'on retrouve dans les premières nouvelles de Destination Morgue. Ellroy était totalement auto-destructeur, un looser obsédé sexuel commettant de petits délits dans l'autoflagellation de la mort de sa mère, dans la provocation, mais il le dit lui-même à la fois dans le recueil et ailleurs : Cela ne va pas plus loin. Il a toujours été un être absolument inoffensif, ce qui le distingue des déséquilibrés serial killers de ses romans, et ses héros ont souvent été des doubles fantasmés, grandis, de son idéal.

Il est dommage encore une fois qu'il rejette toute filiation avec Bukowski, la proximité étant évidente dans ces premières nouvelles de déchéance alcoolisée, sous substances, et sous le signe du sexe. Mais je dois avouer que je m'éclate toujours plus avec Ellroy qu'avec Buko qui conserve un pessimisme célinien qu'Ellroy n'a pas, toujours dans l'humour, le bon mot et l'autodérision.

J'ai beaucoup aimé la nouvelle "Sport sanglant", à mon grand étonnement, alors que je ne suis absolument pas un fan de boxe. La fameuse ouverture du Dahlia noir avec un match de ce type entre Lee Blanchard et Bucky Bleichert m'avait ennuyé dans mon lointain souvenir, je craignais donc cette nouvelle. Ellroy rend ce récit de match passionnant, avec son fameux style minimaliste et répétitif de l'époque American Death Trip. À ce sujet, il est savoureux de remarquer les degrés de similitude stylistiques divers dans ses nouvelles, selon la proximité ou pas avec la période de ce roman !

"Stephanie", comme beaucoup l'ont souligné, est une nouvelle très particulière. On oublie Ellroy, ses déchéances, son humour, et on plonge directement dans l'horreur, dans un crime et une enquête dignes de David Fincher et de la série Mindhunter. Effarant de découvrir avec Google que cette histoire est vraie et qu'elle reste irrésolue... La nouvelle est également un portrait accablant et déchirant de l'impuissance policière, malgré le détail radiographique et scrupuleux de toutes les forces mobilisées, de toutes les opérations et tentatives relatives aux enquêtes. Ce topo de la machinerie policière avec tout le jargon est coutumier d'Ellroy, et on apprécie de le retrouver, au service de la force de cette nouvelle, un meurtre horrible et gratuit, demeuré dans l'impasse malgré un travail colossal, ou du moins, parmi ce qui était possible à l'époque, des enquêteurs.

"Un sérieux doute" et "L'Affaire Robert Blake" m'ont moins intéressé, surtout la deuxième qui m'est passée un peu au-dessus. "Un sérieux doute", comme son nom l'indique, conte une intrigue policière où un coupable évident est condamné à mort, et où le récit, comme le lecteur, n'aura de cesse d'hésiter sur sa culpabilité réelle. C'est un prétexte pour Ellroy d'y livrer ses réflexions sur la peine de mort, sur la justice appliquée à la raclure condamnée pour ses méfaits qu'on lui connaissait. Comme souvent, sa réflexion, même balayée sous le sceau de l'humour et du sarcasme, est intéressante et plus complexe que les catégories et étiquettes que l'on plaque sur lui.

La dernière nouvelle, "Un baisodrome à Hollywood", est l'apothéose, à mon sens. C'est une nouvelle entièrement écrite en allitérations salaces, exactement comme Extorsion, parue en 2014 chez Rivages. Quel bonheur d'écriture et donc de traduction ! Encore une fois, respect à Jean-Paul Gratias, et merci à Ellroy et à lui pour les barres de rires ! Avec en plus comme femme fatale rien de moins que Dana Delany, alias Katherine Mayfair de Desperate Housewives ! le côté elliptique du style pourra cependant revêtir une difficulté de lecture, même si on la surmonte.

Je suis plus que jamais inondé de travail cette année, mais quel bonheur ça aura été de retrouver Ellroy, et Babelio par la même occasion. Je me demande ce que va être la suite...
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}