AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,17

sur 35 notes
5
2 avis
4
6 avis
3
1 avis
2
4 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Toutes les nuits le même cauchemar qui revient le hanter…Dans son rêve il ne cesse de la regarder avancer, le bruit mat du genou adulte sur lequel elle prend appui, puis le bruit doux du pied de bébé venant claquer sur le sol ; un boitillement, un vacillement, elle va, elle vient, sur sa jambe adulte, sur sa jambe de bébé, brandissant une hache…Baby Leg.
Il s'est réveillé un matin dans une cabane au milieu des bois, hagard, un moignon à la place d'une main, sans mémoire ou presque, avec seulement quelques réminiscences imprécises dont il ne sait si ce sont des bribes de souvenirs ou des rêves, et cette étrange certitude que des hommes sont à ses trousses pour le capturer.
Plus tard après être descendu en ville et avoir tué la tenancière d'une station service, il a appris qu'il s'appelait Kraus et qu'un certain Docteur Varner le recherchait activement, des hommes à sa solde le poursuivant sans relâche.
« Est-ce que tout ça est bien réel ? » ne cesse-t-il de se demander.
Réelle la voix suave du Docteur Varner qui lui parle de l'intérieur de ses os ? Réels, les longs couloirs de la clinique ? Ou la table d'opération sur laquelle il est allongé, entouré de médecins, langue pendante comme un chien sous sédatif ? Réel, le container de liquide dans lequel il semble flotter ? Réelle Baby Leg, la femme à la jambe de bébé brandissant une hache?
Tout est si flou, si incertain, et pourtant si familier aussi, comme si le cauchemar ne cessait de se reproduire encore, encore et encore…

Bienvenue dans l'univers glauque et cauchemardesque de Brian Evenson, l'ancien mormon aux délires insensés de déséquilibré paranoïaque !
Obsession, angoisse, épouvante et manipulation sont les maîtres mots de ce court roman aux vastes airs de spirale hallucinatoire, d'intolérable rêve torsadé se dévidant comme une pellicule de film qu'on embobine et rembobine et qu'on repasse en boucle éternellement, cauchemar en colimaçon se reproduisant à l'infini dans les méandres d'un esprit névrotique.

S'il fallait résumer le sujet de ce thriller insolite, peut-être pourrait-on dire que c'est l'histoire d'un psychotique meurtrier (Kraus) subissant inlassablement les expériences du Docteur Varner, sorte de savant fou à la Mengele, qui sous des dehors avenants et inspirant la confiance cache une âme des plus sournoises et des plus machiavéliques ?
Peut-être, oui…mais qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ? Quelle est la part de fiction et de réalité ? Est-ce que seul le présent est réel comme le soutient Baby Leg, elle si grotesquement irréelle avec sa petite jambe de bébé se balançant dérisoirement dans le vide ?
Bords effrités et contours flous, le lecteur qui entreprendra Baby Leg devra se résoudre à laisser sa raison et sa logique au vestiaire pour escalader en aveugle la paroi lisse et glissante d'une histoire vertigineuse dont le sommet embrumé restera infranchissable.

L'auteur, habile, excelle au jeu de la manipulation et prend un malin plaisir à noyer le lecteur sous un flot de questions sans réponses, tout comme il le fait avec Kraus, son personnage principal.
Les images s'entremêlent, les voix s'entrechoquent, passé, présent, ici, ailleurs, tous les repères brouillés dans le magma d'une conscience délirante. Temps et espace, fondus en une pâte informe dans le grand labyrinthe de l'esprit, enchevêtrés dans le désordre mental des obsessions et des terreurs intimes.
Questions sans réponse, réalité voilée, vérité déformée, pays sans frontière, n'est-ce pas comme cela après tout que se définissent les rêves ?
Chacun dessinant à l'envi les contours de l'histoire dans le but de l'enserrer dans un périmètre le plus cohérent et le plus logique possible…

« Baby Leg » est un long cauchemar et à ce titre il est indéfinissable, la frontière entre fiction et réalité demeurant invisible.
On y retrouve les thèmes morbides qui caractérisent l'auteur inquiétant de « La confrérie des mutilés » ou de « Père des mensonges ». Un univers noir et tortueux saturé de membres atrophiés, d'amputations et de corps en bouillie.
C'est sombre, c'est glauque, c'est lugubre, Brian Evenson n'ayant guère de limites et s'adonnant volontiers à la surenchère avec ici et là, des touches de dérision et d'humour noir qui tempèrent l'horreur pure par un mélange de chaud / froid assez pervers et astucieux.
Mais enfin, comme le dit le docteur Varner, « tout ça c'est pour la science » !
Commenter  J’apprécie          260


Lecteurs (71) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2873 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}