Je me libère

Ce qui m'a donné l'envie d'écrire ce livre a été de réaliser que ce à quoi nous tenons le plus, auquel nous nous identifions, qui constitue nos valeurs, nos vertus, est parfois ce qui nous étouffe.

Cette assertion vous paraîtra improbable, sans doute surprenante.

Ce que je veux vous dire c'est que ce qui vous fait souffrir est également ce qui vous a construit, ce qui fait votre fierté, ce qui fait ce que vous êtes. (...)
Cette voix (intérieure) ne fait que retransmettre les règles de vie que vous vous êtes construites et qui guident votre vie.

Vous aurez reconnu, pour ceux d'entre vous qui se sont intéressés à ce thème, celui du perfectionnisme qui m'est cher.
Le perfectionnisme n'est ni bon ni mauvais en soi, il est le plus souvent extrêmement utile pour se donner de la valeur, pour s'intégrer aux autres, et bien gérer sa vie. Comme je l'ai montré dans mon livre "Toujours mieux ! Psychologie du perfectionnisme", il peut aussi être extrêmement toxique lorsqu'il devient tyrannique. Les personnes perfectionnistes peuvent être pointilleuses, méticuleuses à l'excès. (...)

Je pourrais bien sûr prendre d'autres règles de vie (...) Anne ne sait pas dire non. Sa règle de vie est "Il faut toujours faire plaisir aux autres", elle considère que les autres sont plus importants qu'elle. (...) Rapidement, Anne réalise que ce message lui vient de son passé. Au cours de sa thérapie, on l'amènera à comprendre également que ce même message qui lui complique sa vie fait aussi sa valeur. Anne est une femme sympathique, disponible, ouverte aux demandes des autres. L'altruisme est une valeur importante pour elle. C'est sa vertu. On sait qu'on peut compter sur elle. Elle est appréciée. C'est ce message élaboré durant l'enfance qui l'a construite positivement. Cela, elle le sait, elle l'a compris.

Se libérer des contraintes de règles devenues excessives, trop impératives, inhibantes, comme :
- On doit tout contrôler, tout maîtriser
- Il faut se battre pour réussir car la vie est injuste
- On ne doit jamais se retrouver seul(e), abandonné(e)
- Il faut savoir décider
- On doit savoir réagir et être compétent en toute circonstance
- On peut obtenir tout ce qu'on désire (tout m'est dû)
- On devrait n'avoir que des journées passionnantes
- Il faut réagir sur le moment
- On dépend des autres pour tout ce qu'on fait
- On doit cacher qu'on n'est pas normal(e)
- Tout le monde devrait me comprendre ...

(...) Il ne s'agit pas de trouver une seule règle qui résumerait à elle seule tout ce que vous êtes mais celles dont vous vous sentez le plus proche.

Dire non à une demande n'est pas rejeter la personne.

C'est lorsqu'on est tiraillé entre plusieurs valeurs qu'on se sent mal.

Il est donc important de repérer ces conflits et d'apprendre à tolérer l'ambivalence qu'ils déclenchent. Il est toujours difficile de décider subitement de faire passer certaines valeurs avant d'autres ; on peut avoir le sentiment d'abandonner définitivement celles qu'on fait passer au second plan et ainsi renoncer à une partie de soi.

Votre voix critique intérieure, même si elle apparaît au moment où vous vivez une difficulté dans votre présent, trouve en réalité son origine dans un lointain passé. (...)

Cette voix critique intérieure issue de notre enfance a été modelée par notre éducation. Nous avons intégré ce qui nous paraissait bon pour nous.
Nos règles de vie ont été édifiées dans ce contexte infantile, elles se sont inscrites dans notre mémoire à long terme et continuent à nous guider.

N'ayant pas vraiment conscience de leur permanence, nous continuons à vivre avec ces règles infantiles, sans qu'elles soient toujours adaptées à ce que nous vivons.

Prenez conscience qu'une grande partie de vos angoisses vient aussi de votre façon de penser, d'interpréter les choses, en un mot de cette voix critique intérieure que vous entendez au moment où vous vivez ces situations.

Cette voix critique intérieure influence la perception que vous avez des événements. Et rarement en mode positif.
Elle peut déformer la réalité, un peu comme ces miroirs déformants dans lesquels nous nous amusions à nous regarder lorsque nous étions enfants.
Ces miroirs peuvent nous faire paraître beaucoup plus gros que ce que nous sommes ou beaucoup plus maigres (...) C'est néanmoins bien nous qui sommes en face du miroir, mais notre image est totalement déformée (...)
Voici donc ce qui peut advenir de la réalité si notre voix intérieure est trop critique envers nous-mêmes.

La face positive de ce que nous sommes est étroitement associée à sa face négative.

Vous l'aurez compris, ce problème n'est pas facile à résoudre :
comment se sentir mieux, se libérer,
sans se trahir soi-même et sans abdiquer ?

Les malades sont des personnes et leur maladie est un problème qui concerne le soigné et le soignant

Cette nouvelle prise en considération de la personne m'a conduit à un changement total de position épistémologique par rapport à celle ou celui qui est en face de moi.

Nous sommes maintenant trois : une personne me consultant, le problème pour lequel elle me consulte et moi.
Souvent, d'ailleurs, je prends un objet, un morceau de papier, un pot à crayons ou une balle en mousse, je le pose entre la personne me consultant et moi et je lui dis : "Voyons maintenant comment nous allons travailler ensemble sur le problème que vous m'apportez."

C'est donc une certaine éthique du soin en équipe, en collaboration, avec une personne en souffrance et une personne supposée détenir un savoir pouvant l'aider.

La psychologie des remords montre que nous souffrons plus de ne pas avoir fait de choix que d'avoir fait un choix qui ne nous a pas satisfaits.
Nous sommes au moins fiers d'avoir choisi, d'avoir essayé.
Cela donne au moins une chance de réussir (...)

De plus, même lorsque nous nous trompons, l'erreur nous apprend quelque chose. Sans erreur, il n'y a pas d'évolution.

C'est aussi lorsque cette vision de soi n'a pas évolué depuis l'enfance, qu'elle ne tient pas compte de nos efforts fournis, des réussites avérées, des difficultés rencontrées, bref, de notre parcours de vie, qu'elle transforme alors la réalité de ce que nous sommes vraiment devenus et nous fait douter de nous. Elle devient délétère.
Comme si notre passé et l'image que nous en avons gardée nous figeaient définitivement dans un statut inébranlable et insensible à toute évolution ("Tu es un imposteur, un point c'est tout").