L’enfance est une île, l’adolescence un archipel émietté, l’âge adulte un continent.
[Elle] dit que le talent, c'est surtout l'envie. Une envie assez puissante pour abattre les obstacles qui se dressent devant nous et pour travailler d'arrache-pied jusqu'à atteindre nos objectifs sans abandonner en chemin.
Toutes les morts ne sont pas grandioses. Certaines personnes partent comme elles s'excuseraient, discrètement, sans éclat.
Elle l'énerve. Elle l'énerve comme seuls peuvent énerver ceux qu'on a aimés fort, ceux face à qui on a accepté d'être vulnérable, ceux avec qui toutes les barrières sont tombées. On ne reconstruit pas ces barrières. Une fois qu'elles sont à terre, c'est pour de bon.
J'ai douze ans depuis toujours, moi.
On naît tous avec un âge.
Et lorsqu'on l'atteint, on le garde.
Il y a des gens, ils naissent, ils sont déjà vieux.
D'autres qui ne le seront jamais.
Moi, c'est douze ans.
- J’ai pas envie de gagner ma vie. Je veux dire, c’est quoi ce concept débile ? Gagner quelque chose qu’on possède déjà ? Mais Luce… Luce, c’est l’aviatrice. Elle croit que chacun peut trouver une place qui lui correspond. Et c’est pas juste des mots, vous voyez, elle l’a fait, elle. Elle s’est trouvé une place qui n’existait même pas dans le monde dans lequel elle a grandi. Alors je me dis que peut-être…
- Peut-être ?
- Peut-être.
On a tous besoin de se raconter une histoire qu’on trouve cohérente, de s’arranger une vérité à partir de fragments, de fabriquer des liens de cause à effet. Même lorsqu’ils n’existent pas vraiment. Surtout lorsqu’ils n’existent pas vraiment.
En regardant les perruches multicolores qui s’ébattent sous le grillage de la volière, Luce songe que notre courage à vivre doit être en partie proportionnel au nombre de personnes qui nous aiment. Et elle n’a plus personne.
LUCE - Et tu as réussi ? A être qui tu voulais ?
GABRIELLE - Souvent
Elle ne peut pas s'empêcher de se demander si elle les reverra. La question passe dans sa tête sans s'attarder. Les élèves s'envolent, c'est dans l'ordre des choses. Certains disparaissent dans la nature. D'autres échangent quelques sms ou repassent au conservatoire de temps en temps. Jusqu'à ce qu'ils arrêtent. C'est ainsi, c'est normal. Et puis ça lui va bien. Tant qu'ils sont là, elle engage toute son énergie à les aider à grandir et à s'approcher de leurs rêves. Puis elle passe aux suivants. Elle a besoin de changement, d'inconnu. (p.365)