Adjectif
Le matin tourne en boule
et l'été touche à l'automne
dans nos peignoirs sans motifs,
à neuf heures moins le quart.
Le café ne se sucre pas,
la cuiller tinte, l'alarme
intime nos regards.
C'est en heures que nous
nous connaissons. En année,
nous serions des graines dans le vent. Sur
le bord de la tasse, le café trace un serpent :
il glisse quand remonte la pomme d'Adam.
C'est un matin privé d'adjectif.
Notice
Dans les boîtes sont rangées
quelques affaires qui ont fait
la vie de quelqu’un. En déplaçant
l’un des objets, le temps est continu.
Dans le temps bouleversé, la boîte
semble peu à peu vide. Il faudra
un long moment pour reconsidérer
qu’une fois les outils rangés
quelqu’un leur aura trouvé le secret
qui aide à disparaître.
Saison
Il pleut
ma chemise sèche
ici je n’ai jamais été aussi
étranger – je fais les cent pas,
le mur est mince appuyé au-dehors,
étranger à ce vêtement transparent
qui revient à lui, où mon absence
m’empêche de croire celui qui s’observe
dans cette minute intérieure.
La porte s’ouvrira…
La porte s’ouvrira, comme la fenêtre avec le soleil,
vous me donnerez à boire après avoir quitté votre
chambre. Vous me direz, dans le désert de mes paroles,
que je dois mourir de soif. Vous m’aurez salué au préa-
lable, oui, sans vous inquiéter de ma présence ou de
mon absence et vous m’aimerez autant que ce qui nous
lie l’un à l’autre, à traverser ainsi les jours de lieu en lieu,
de visage en visage, en parfaits voyageurs désargentés.
Rues
Les rues noires et les frontons
des fenêtres, brillant vainement
comme une pierre de gloire,
je marche, distancié par mon ombre
qui touche aux poteaux longilignes
sous lesquels peine le réel.
J’avance, avec ton visage à l’esprit
et le sol est plus dur. Le teint blafard
du quartier proche ne me traversera pas.
Je vais chercher la lumière que la nuit détient :
ce sont les paroles que je ne prononce pas
et je crois que je frôle ta joue toute proche.