Parfois, j'ai l'impression que ma ville bouge, change comme les métaux transmutés que recherchent les alchimistes. Des rues, des ponts, des échoppes apparaissent là où auparavant il n'y avait que des murs... Parfois aussi, des gens se perdent. Parfois des gens disparaissent. Seuls les acteurs dans les films demeurent, les fantômes sur le Silver Screen. J'espère que la projectionniste a disparu à temps.
Je caresse du bout des doigts la surface humide, comme pour retenir mon image. En vain. Il fait déjà plus clair dehors qu’à l’intérieur. Le reflet disparaît. Comme si je n’existais que la nuit.
Je fixe le pied de tabouret dans ma main comme si je ne l'avais jamais vu. Plutôt un bel objet, en bois blond couleur miel, ciré, chantourné... et ébarbé sur le haut, là où je l'ai arraché à son meuble. [...] Un peu de sang goutte sur les ébarbures, quelques touches raisinnées. Je n'ai brisé le crâne de personne. Enfin, j'espère que...
Je suis toujours seul, à la frontière. Seul avec mes fantômes.