Révélation ! ! ! Il est des livres, comme ça, qui laissent le lecteur tout chose après en avoir terminé la lecture, tout déçu que ce soit déjà fini. Celui-ci s'étend alors un moment sur son canapé, le livre ouvert à l'envers sur son coeur, les yeux perdus dans le vague du plafond blanc et il s'abandonne à la rêverie, prolongeant ainsi en une délicieuse extase l'atmosphère magique des pages qu'il vient de lire d'une traite. C'est le cas du texte magnifique de
Marion Fayolle, qui avec une langue simple mais ô combien poétique et imagée, emporte le lecteur dans un monde pur et serein, et pour moi infiniment nostalgique, car il est celui des fermes de ma jeunesse, du Morvan, de Bresse et du Jura, chez mes cousins, mes amis et mes beaux-parents. Là où vivaient autrefois en harmonie, sous un même toit, les bêtes et les gens. En lisant «
du même bois », j'ai humé à nouveau les odeurs à la fois subtiles et fortes de la campagne, j'ai revécu pendant quelques heures certains épisodes lointains de mon passé, caressant à nouveau le cul des vaches dans l'étable, brouettant bottes aux pieds le fumier, conduisant le tracteur, guidant
les petits veaux jusqu'à leurs mères, regardant d'un oeil amusé ces derniers découvrir, au printemps tout neuf, la nature tellement différente de l'espace étriqué et sombre de l'étable, le pré tendre et lumineux où l'on peut gambader, sauter, courir, manger le sol… En lisant Marion, je les voyais de nouveau,
les petits veaux de ma jeunesse.
Celle-ci a réussi à réaliser, à travers la vie de cette famille de paysans si attachants, un admirable album d'images que l'on feuillette avec ravissement, et où les mots justes, alignés sur une centaine de pages, pallient avec bonheur l'absence de crayons, de feutres et de pinceaux.
Quatre générations de personnages se succèdent, de la mémé si dévouée pour tout le monde au petit dernier capricieux, le Petitou, en passant par la mère courageuse et la gamine fragile et trop imaginative, le pépé trop vieux qui perd la tête, le beau-frère « pas fini » qui s'est entiché d'une faisane et qui boit beaucoup trop, mais aussi tous ceux d'avant qui dorment désormais sous la dalle du caveau au cimetière, une galerie de portraits subtils et tellement vrais qu'on se demande si cet ouvrage est bien tout à fait de la fiction…
Un livre qui fait oublier, le temps de sa lecture, notre monde actuel et détestable, ce monde du fric, de l'artificiel, du superficiel, de l'individualisme, des réseaux sociaux et des maudits smartphones qui ont tué à jamais les échanges.