Citations sur Broadway Limited, tome 2 : Un shim sham avec Fred Ast.. (25)
La pluie commence à se prendre au sérieux, on dirait.
Elle remercia, et s'en alla aussi vite, et aussi lentement, que possible. Dans la foule du soir, elle ne fut plus qu'une cellule dans le plancton déferlant sur la ville.
Un collègue de mon frère a été dénoncé comme socialiste par un client, relatait Sandra. Le motif ? Le collègue en question portait une moustache épaisse... Le délateur en avait déduit un hommage secret à Joseph Staline ! 800 dollars ont récompensé cette dénonciation.
- Une radio? s'écria Dido. Je n'en ai jamais vu d'aussi petite.
- L'ère de la miniaturisation! pérora Cosmo. Petits pois, petits cerveaux, petit écran, petits microbes. Heureusement, résistent les gros seins.
Lorsqu'il l'entendait pousser la porte vitrée, il levait la tête. Elle essayait alors, chaque fois, de capter cette lumière, une courte lumière bien à lui, au fond de son regard gris. Cela durait un quart de seconde, mais elle aimait à croire que c'était le bonheur de la retrouver.
« Le Haxo Building était une ville verticale. (…) On pouvait y habiter, travailler à l’un de ses nombreux bureaux, acheter des fleurs ou du poulet rôti aux boutiques du centre commercial, s’y faire coiffer, s’y habiller, s’y chausser, prendre un repas dans l’un des trois restaurants, consulter un médecin, un avocat, une voyante, y faire garder son bébé, y apprendre le paso-doble, la trompette, le billard, la dactylo, pratiquer un sport, trouver un publicitaire, régler ses problèmes administratifs, poster son courrier… sans jamais quitter le building. Pour drainer le flux, quatre ascenseurs faisaient du trampoline sur la façade de Madison Avenue, quatre autres à l’arrière. Cerise sur le gâteau de pierre : la piscine au sommet. »
« -Un jour… Quand les Martiens auront envahi l’Amérique et le monde, on possédera peut-être tous un téléphone dans la poche, on appellera qui l’on veut, quand on veut, d’où l’on veut. (…) – Comment pourrait-on se balader en traînant un kilomètre de fil téléphonique derrière soi? On s’emmêleraient dedans… ce serait lourd. Et trop court de toute façon. «
« – Que dirais-tu d’installer un poste de télévision chez nous? (…) – On l’installerai dans le salon. Recluse comme tu l’es dans cet appartement, tu ne la verrais pas, tu ne l’entendrais pas. Je veillerai à ce qu’elle ne te dérange en rien. Tu ne sauras même pas que nous en avons une. – Sais-tu? Tu arrives encore à me surprendre. (…) Tu as envie réellement envie d’une telle chose? (…) Oui, Artemisia. Je veux réellement cette chose qui fait traverser les horizons, les mers, les jungles, et descendre le Colorado, clama-t-elle en une sorte d’envolée de tragédie mûrement répétée. Qui me permettra de réaliser les voyages que je ne fais pas et ne ferai jamais… »
« C’était une de ces journées pâlottes où le Chrysler Building à l’apparence d’une bougie sur un gâteau de fête, et New York, romanesque, exaltée, au bleu irréel, d’un aquarelle de Georges Barbier. Ou d’une robe de pique-nique de chez Schiaparelli, aurait plutôt estimé Chic. Jocelyn tourna sur Broadway dès la 72ème et cabota au gré de la marée humaine. Il prenait soin de toujours gardé quelques nickels au fond de la poche à cause des mille boîtes à surprises qui parsemaient cette ville étonnante. On y glissait une pièce, et hop, l’on moissonnait un fruit rafraîchi, un sandwich au pastrami, une bouteille de limonade, la dernière édition du New York times… »
« D’une jeune quarantaine, Mrs Chandler portait le chignon et la paire de lunettes des bibliothécaires de cinéma, sauf que son chignon était joyeux car hardiment perché. Des lunettes papillon laissaient le champ libre aux lueurs espiègles de ses merveilleux yeux gris. Hadley était persuadé que, dans une vie antérieure, Mrs Chandler avait été star à Hollywood. Il lui en restait une allure à la Carole Lombard, des talons fort pointus, un rouge inoubliable aux lèvres, une collection de corsages aux géométries insensées. (…) – Je suis désolée, dit-elle. Toujours pas de Petite Dorrit. Un jeune homme l’a emprunté… il avait des mains de musicien… »