J’AI toujours admiré avec une pointe d’envie les braves gens qui n’ont jamais conçu de doute sur leur existence personnelle. C’est dire que je n’ai jamais été assuré de la mienne propre, et cela non pas en vertu d’un raisonnement bien déduit, ni d’une vue générale du monde, mais sous l’impulsion d’un sentiment profond, plus fort que le témoignage de mes sens. Le professeur Dave O’Regans, la première fois que je m’en ouvris à lui, refusa de me prendre au sérieux. Il est vrai qu’il se ravisa par la suite, et pour cause. Un autre homme se fût-il prêté d’un cœur aussi ferme aux fanatiques expériences qu’il accomplit sur moi ? Mais que pouvait me faire d’être poisson, plante ou caillou, quand j’étais si peu convaincu au préalable d’être moi-même ?