Isabela Figueiredo voit le jour en 1963 à Lourenço Marques (qui ne s'appelle pas encore Maputo), capitale du Mozambique dès 1887 . Lorsque le livre débute début années 70, c'est une colonie portugaise. Fille d'un père électricien et d'une mère au foyer, Figueiredo vient d'un milieu modeste, les parents s'étant exilés pour échapper à la rudesse de leur condition sociale au Portugal. L'écrivaine, rapatriée suite au début des remous pour l'indépendance, au pays d'origine en 1974 , revient ici sur ses jeunes années au Mozambique, pour nous raconter à hauteur d'enfant cette période de colonisateur, prenant comme point de référence, son père machiste et raciste, à la fois cruel et généreux , à qui est dédié ce livre. Un homme dont l'existence ne pesait pas lourd sur la terre de ses ancêtres, et qui s'endossera sans scrupules d'une importance toute nouvelle et d'un pouvoir qu'il lui faudrait exercer afin d'y croire et de s'en satisfaire pleinement. " La suprématie blanche...travaille à déshumaniser celui qui s'en saisit pour entrer en contact avec les autres."
Figueiredo née à une époque où les enfants n'ont aucune idée de la procréation, où la première fois qu'elle prononce « enceintes », un mot qu'elle ne connaît pas, sa mère la gifle pour lui apprendre à ne pas dire de gros mots, va rencontrer très vite le racisme à travers le sexe. La gamine très éveillée, fille unique, regardant, observant, écoutant , lisant, va très vite se rendre compte du climat malsain de la suprématie Blanche sur les personnes d'une autre couleur, de plus dans leurs propres pays, en entendant son père allait "se faire des négresses", ses personnes considérées comme des animaux par sa propre mère et des femmes d'autres Blancs....
Un livre très fort, sincère, sensuel et pleine d'émotions , où usant la logique du Blanc colonisateur ici de surcroît son père, "Car mon père, c'est le colonialisme au Mozambique. C'est une métaphore. Tout était là, en lui ", elle déstructure l'image de ce monde parfait, ce paradis qu'était le Mozambique pour les colons portugais de l'époque, pour déclamer "La vérité" , " Sa Vérité " terrible , et dont la suite sera à la hauteur de l'horreur que révèle cette vérité. Un livre que devrait lire tout européen dont le pays a colonisé ou a eu " sous son protectorat " un pays d'Afrique ou d'Asie, dans le passé, "Il faut du temps pour réussir à jeter le passé par-dessus bord."
"Les Noirs devraient nous sourire, toujours, et nous remercier de ce que nous avions fait pour leur terre, ou plutôt, pour notre terre, et nous servir, évidemment, parce qu'ils étaient Noirs et nous Blancs, et que c'était dans l'ordre naturel des choses. N'est-il pas normal d'habituer les chiens à leur collier et à leur laisse, ou de tuer un cabri pour le rôtir ? C'était bien ça, l'ordre du monde."
"Qu'on ne vienne pas me parler du colonialisme si doux des Portugais... Qu'on ne vienne pas me raconter des contes de fées."