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Citations sur Mélatonine (23)

Il y avait aussi le Sud mais cela signifiait écrire au soleil (enfin, pas à lui directement mais dans sa lumière) et je connaissais les effets d’une exposition régulière aux UVB : la vitamine D qui recommence à se synthétiser, une amélioration significative du métabolisme lipidique, de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle et dans la même dynamique vitale, l’énergie et la sérénité qui reviennent, tout ce que je cherchais absolument à éviter.
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Étrangement, je songeai à Beckett. Comme lui, j’étais mal coiffé, mal habillé, porté sur la bouteille, fuyant le monde, répondant par monosyllabes aux journalistes, cultivant un pessimisme invétéré face à la condition humaine, écrivant des livres… Une seule chose avait manqué à Beckett pour me ressembler complètement : le faire savoir au journal de vingt heures. Autre troublante correspondance entre nos chemins de vie, dans Textes pour rien Beckett écrit : « Où irais-je, si je pouvais aller, que serais-je, si je pouvais être, que dirais-je, si j’avais une voix, qui parle ainsi, se disant moi ? » Et moi, au fond du KFC des Halles, je me demandais à mon tour « où aller » pour retrouver ce malheur dont je devais, par contrat, faire un roman événement d’au moins trois cents pages (notes comprises) traduit en quarante-deux langues.
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J’avais lu tous mes livres, je savais que pour écrire je devais fuir, une fois encore, remettre sur ma tête ma couronne d’épines, remonter sur ma croix, me retirer au désert, mettre le cap au pire.
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Exception faite de sa dentition plutôt correcte, tout le reste laissait à désirer chez Cynthia. Hanches trop larges, cul trop bas, cheveux filasse et démarche de tarentaise, race bovine avec laquelle elle avait également en commun de petites mamelles, un nez épaté et de profonds et tendres yeux marron mélancoliques toujours un peu humides.
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Chaque sortie d’un de mes romans, en grand format puis en poche et en audio, relançait passagèrement l’industrie française du livre et éloignait momentanément la perspective du chômage pour ceux qui en vivent : critiques, libraires, chauffeurs de Bibliobus, maîtres de conférences à Nanterre, soldeurs, sans oublier évidemment Simona Campari, mon éditrice chez Glammarion, et Franck Stevenson, mon agent. Hugo, à la fin de sa vie, avait dû connaître ça.
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En tissage, la trame désigne les fils passés entre les fils de chaîne pour constituer le motif et depuis quelques mois je n’avais ni motif, ni fil, ni trame pour mon prochain roman, enfin rien qui satisfît mon éditrice, laquelle après m’avoir refusé coup sur coup deux manuscrits (« Pas assez segmentant », avait-elle décrété), venait de me renvoyer mon dernier synopsis accompagné d’un simple Post-it : « Tu te fous de notre gueule, Marcel ? »
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J’avais sans doute voulu fuir ce soir-là la guerre froide qu’était devenue ma vie avec Ilga, la cohabitation avec ses seins en obus qu’elle tenait toujours pointés dans ma direction et qui m’évoquaient chaque jour davantage les torpilles russes VA-111 Chkval à cavitation comme une promesse de destruction massive en cas de désobéissance civile de ma part, enfin ce soir-là j’avais échappé à sa surveillance, je ne sais plus trop comment, peut-être en prétextant une interview ou une coloscopie, mais au fond c’est pareil.
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.....rédigeant péniblement un vague synopsis pour La Diagonale du vide : un cadre sup macroniste arrogant et malade tombe en panne dans la France des invisibles où il est contraint de regarder en face l’idée visionnaire que l’Occident, la paysannerie et lui-même sont foutus ; j’ajoutai çà et là quelques scènes de baise avec des transsexuels, domaine qui me semblait éditorialement encore assez peu investi, et une arche narrative sous-jacente à propos du cancer du type mal soigné à cause des déserts médicaux cyniquement planifiés par la macronie. Je reçus par retour de mail un avis moyennement enthousiaste mais néanmoins favorable de mon éditrice qui me suggérait toutefois de remplacer le cancer, usé jusqu’à la corde, par une aphasie de Broca comme métaphore vivante de l’inanité du discours des élites mondialisées.
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Je crois qu’à ce moment-là j’envisageais, plutôt tranquillement du reste, la possibilité d’en finir, par exemple en fonçant dans un pylône de ligne haute tension ; mais le pare-chocs avant de ma Jeep Cherokee était spécialement conçu pour absorber les chocs frontaux et puis mourir posait le problème de la postérité : après le prévisible emballement commercial qui suivrait mes obsèques nationales (l’idée de demander à Arielle Dombasle de chanter le Requiem de Mozart a cappella pour emmerder mes survivants me traversa l’esprit) combien de temps durerait mon séjour au purgatoire des lettres ? Et à qui confier mon oraison funèbre pour être absolument certain qu’elle soit chiante (Modiano ou Le Clézio) ? Je pouvais aussi tout arrêter, fuir la pression médiatique, les polémiques, les surenchères… mais là le risque était de finir comme Salinger qui n’avait jamais vraiment réussi son come-back.
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Je craignis d’avoir à me justifier mais elle enchaîna en se lançant dans une longue péroraison sur les risques que je courais si je me laissais griser par mon statut de monument vivant des lettres françaises et européennes–de most bankable French writer, comme l’avait récemment titré The Times–et elle m’exhorta à me mettre personnellement en danger sinon je finirais, elle en était sûre, par m’inscrire au Gymnase Club, postuler à l’Académie française et bruncher bio sur les quais de Seine.......Je confessai que j’en étais arrivé moi aussi la nuit précédente à la conclusion que j’allais trop bien et que depuis que j’avais fait ce constat je cherchais à partir écrire n’importe où pourvu que ce fût désolant......“ Il existe une bande de territoire, m’expliqua-t-elle, qui traverse le pays de la Meuse jusqu’aux Landes dans laquelle la densité de peuplement et l’espérance de vie sont très largement inférieures à la moyenne nationale. La population y souffre d’un sentiment d’abandon et d’un désespoir chronique qui s’accompagnent d’une consommation record d’anxiolytiques et d’antidépresseurs couplée à un fort taux d’alcoolisme et de diabète de type 2. Si tu veux un décor vraiment sinistre pour faire mouiller la France qui lit, c’est exactement ce qu’il te faut, Marcel.”
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