Oslo de nos jours – Une famille comme il en existe tant, comme la vôtre, comme la mienne, qui se réunit lors d'un voyage à Rome offert par Sverre, le père, marié à Torill, pour fêter ses 70 ans mais le cadeau a pour but d'annoncer leur divorce à leurs trois enfants : Ellen, 42 ans, journaliste, mariée à Olaf et mère de deux enfants Agnar, un garçon âgé de 14 ans et une fillette encore en jardin d'enfants, sa soeur, Elllen, de quatre ans sa cadette, vivant avec Simen depuis un an, travaillant à la rédaction de discours pour des personnalités et tentant depuis plusieurs mois d'avoir un enfant sans succès et enfin leur frère Kakon, la trentaine, célibataire, secret et peu mais se révélant finalement épris de liberté dans ses relations amoureuses.
Mais ce qui devait être un séjour familial aux accents de dolce vita va tourner au cataclysme, car l'annonce est sèche, sans autre explication que celle d'une évidence partagée entre eux alors que leur couple semblait uni et sans nuage aux yeux de leur progéniture. Chaque enfant va recevoir la nouvelle à la lueur de sa propre vie, de sa vision du couple, de sa famille et de sa conception de l'amour, de sa place de parents ou d'espoir de parentalité mais aussi vis-à-vis de sa fratrie.
Je dois avouer que j'ai pris un énorme plaisir à découvrir ce roman même si je sais qu'en général la littérature nordique trouve un écho en moi et ce fut le cas une fois de plus, dès les premières pages et jusqu'à la dernière. Impossible de ne pas retrouver dans les relations, pensées ou sentiments décrits ici des sentiments vus, vécus, que se soient entre les générations, les parents (porteurs de l'image bonheur conjugal ou non), leur divorce alors que les enfants sont adultes et ont eux-mêmes construits leurs vies et comment il renvoie à son propre foyer comme peuvent le faire un mariage ou un décès. L'autrice traite le sujet de façon plus large en évoquant également les relations dans une fratrie avec la place que chacun y occupe, que ce soit l'aînée, l'enfant du milieu ou le dernier arrivé longtemps après ses soeurs, un point de vue masculin, une nouvelle vision de l'amour. Il y a les rivalités, les jalousies, les confrontations et en alternant les points de vue, Helga Flatlant confronte les ressentis, les interprétations qui divergent suivant la manière dont ils ont été vécus.
Ce sont Liv et Ellen les principales narratrices du récit, se relayant pour à la fois évoquer leurs sentiments face à des parents qu'elles ne reconnaissent plus, avec ce que le divorce suppose comme transformations, changements au sein d'une famille mais également en elles, Hakon, lui n'interviendra qu'en final pour nous offrir sa propre vision de la vie amoureuse mais également de sa personnalité bien loin de ce que ses deux soeurs laissaient supposer dans leurs propos mais qui montre également la fragilité des principes quand l'amour passe par là….
Il y est question d'oubli de soi-même et de l'autre dans le couple, de désir de maternité non assouvi et du long et douloureux chemin pour y parvenir mettant en péril l'amour qui unit deux êtres, du sens du mariage, de la valeur qu'on lui donne mais également de son usure au fil du temps, sans qu'on le veuille et qu'il est toujours temps de tout remettre en question, quelque soit l'âge, les autres.
Helga Flatland nous offre des portraits saisissants, authentiques, d'une cellule familiale actuelle, où il n'y a pas que les enfants qui décident de briser une union mais à la différence qu'ici il n'est pas question de garde alternée mais d'ébranler les fondations de ce que l'on croyait solide, prenant l'option de laisser la parole aux « enfants-adultes », qui voient s'effondrer ce qu'ils pensaient inoxydable et comme souvent dans les séismes, les secousses vont se ressentir loin de l'épicentre que représente les parents eux-mêmes, sûrs de leur choix, même si l'on ne gomme pas d'une annonce l'image du couple parental et de ce qu'il représentait au niveau de leurs enfants.
Tous les pièges sont évités comme celui de tomber dans un drame familial mélo, avec règlements de compte et violence ou happy end final. Ici j'ai trouvé le juste ton pour parler d'une famille actuelle, cela ressemble presque à une chronique de vie, de nos vies, tellement l'autrice a finement observé les comportements et les a restitués. C'est une page de vie de notre époque où parfois les rôles s'inversent et où se sont les enfants qui s'interrogent sur les décisions et choix de vie de leurs parents.
J'ai beaucoup aimé.
Merci à Babelio/Masse critique privilégiée et aux Editions de Aube pour cette lecture
Lien :
https://mumudanslebocage.wor..