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3,7

sur 215 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il y a un plaisir particulier à lire Flaubert. Chaque oeuvre, bien que marquée par la beauté de son style, est source de nouveautés et de surprises. le recueil "Trois Contes" en est un bon exemple. Certes, on pourrait rapprocher chaque récit aux romans de Flaubert, comme l'exprime bien Colinette26 (voir les autres critiques du recueil), mais il s'agit dans le cas présent d'histoires courtes, composées d'une manière toute différente des longs romans antérieurs. Flaubert montre ainsi tout son génie dans la nouvelle. Peut-être s'essaya-t-il à ce genre pour se délasser de ses impasses dans l'écriture de "Bouvard et Pécuchet" ?
Le plaisir vient du rapprochement de trois récits d'apparences bien distinctes, entre une nouvelle réaliste ancrée dans la contemporanéité de l'auteur, une légende médiévale merveilleuse et un récit biblique. Rien ne semble les réunir. On pourrait penser que ce recueil ne répond qu'aux envies et aux idées successives de l'auteur. Pourtant il y a bien une sorte de fil conducteur. C'est le drame de l'excès, l'inévitable danger d'un engagement total. Que ce soit vers la voie de la bonté ou, à son opposé, vers la cruauté, chaque personnage exprime ce travers : Félicité (quelle ironie !) victime de sa bêtise et de sa simplicité, saint Julien de son obsession pour la chasse et la mort, enfin, Hérode et saint Jean-Baptiste, le premier victime de ses promesses emportées, le second de son fanatisme. Ces excès, tels des chemins vers la folie, ne devaient pas être étrangers à Flaubert, connaissant ses insurmontables exigences en matière de création artistique.
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Nous partageons avec St Antoine des visions de cauchemar et des souffrances dont tout martyr doit se réjouir. Les souffrances, supplices et mortificatons ne sont-elles pas le plus court chemin vers la félicité éternelle ?

Les descriptions de scènes baroques et délirantes, les grotesques querelles entre idolatres, vrais et faux croyants, tous animés de fureur intégriste, les dialogues du Saint avec le Diable, les argumentaires spécieux des docteurs de la Foi (oui, mais laquelle ? ) chacun proclamant détenir la Vérité, voilà bien de quoi dérouter-et dégoûter- celui qui s'attend à trouver des réponses à ses interrogations spirituelles.

Antoine l'Égyptien a vécu au IV è siècle et lança la mode du monachisme, qui connut un grand succès au cours des époques chrétiennes. Ses reliques furent vénérées et une très belle abbaye fut bâtie dans le Dauphiné pour accueillir les pèlerins et malades souffrant "du mal des Ardents'. Les bons moines les soignaient avec moult prières et quelques potions et onguents.
Après une visite de l'abbaye, des musées et jardins, passez faire un tour à la librairie, riche en ouvrages historiques, litteraires, recettes de philtres et de breuvages d'herbes médicinales.
Un délicieux remède à la solastalgie.
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Cette "Tentation de Saint Antoine" est totalement surprenante et assez inattendue pour ceux, comme moi, qui ne connaissent pas bien l'oeuvre de Flaubert. Je classe cette oeuvre dans le roman, mais seulement par défaut, car je ne saurais pas dire à quel genre elle pourrait s'apparenter. Il y a du théâtre, car sa structure se compose de sortes de didascalies posant le cadre des événements suivies des paroles des personnages précédées de leur nom. Mais il ne s'agit pas vraiment de théâtre…
Alors qu'est-ce que c'est que cet ovni dix-neuviémiste ?
Peut-être une longue énumération, une suite interminable de tableaux et de personnages, féeriques, fantastiques, monstrueux et étranges, respectivement parcourus et rencontrés par Saint Antoine, cet ascète qui fit le choix de se retirer dans le désert égyptien pour se protéger de toutes les tentations matérielles offertes par la société de son temps. Un ascète confronté à des hallucinations, plaçant ce fidèle serviteur de l'Eglise chrétienne naissante en face de ses doutes et de ses contradictions dogmatiques.
Cette peinture flamboyante des multiples sectes, croyances et religions qui se sont affrontées, se sont confrontées ou même ont cohabitées au cours du premier millénaire permet au lecteur de se rendre compte que chaque Eglise s'appuie sur des principes et des dogmes communs, usant de méthodes similaires. La prétention de chacune à vouloir affirmer sa Vérité apparaît alors bien puérile et vaine, on pourrait aussi dire mensongère et autoritaire.
Mais finalement, les Eglises ne se réduisent-elles pas à des sortes de petits Etats totalitaires ?
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C'est du théâtre impossible à représenter, avec didascalies, décors et souffleurs, mais c'est aussi un roman monstrueux impossible à décrire, une sarabande de fantasmes et d'horreurs, qui se décline sous plusieurs formes: au départ une enluminure au creux d'un texte, simple dessin à la marge, la Tentation s'égrène et s'érige comme un retable hypnotique, pour ensuite évoluer et devenir un apocryphe obscène.
Voici une citation de salammbô qui résume bien le projet esthétique de Flaubert:
"Elle ignorait les simulacres obscènes, car chaque dieu se manifestant par des formes différentes, des cultes souvent contradictoires témoignaient à la fois du même principe."
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La Tentation de Saint Antoine, régal visuel chez Bosch ou chez Patinir, trouve ici une version littéraire, tout aussi foisonnante, tout aussi symboliste. Flaubert lui accordait une importance extrême sans pourtant parvenir à ses fins, car il l'a écrite trois fois en trente ans. Au premier abord, son livre est un récit qui boucle sur lui-même. Antoine quitte sa Thébaïde, voyage dans le temps, dans le monde et dans l'espace, retourne à sa grotte et reste un saint, un saint stoïque et délirant qui hésite jusqu'à la dernière page entre l'extinction dans la matière (« Je voudrais […] pénétrer chaque atome, descendre jusqu'au fond de la matière, — être la matière ! ») et la fidélité à sa foi (« Tout au milieu, et dans le disque même du soleil rayonne la face de Jésus-Christ » p 276).

De quoi s'agit-il ? Certainement pas d'une profession de foi car les idées — religions et philosophies, avec leurs schismes et leurs caricatures — font l'objet de listes bavardes, sans profondeur ni hiérarchie, volontiers teintées de sarcasme (la déconfiture des dieux olympiens p 206+, Crépitus le pétomane p 225). Peut-être d'un théâtre où Antoine, Hilarion et les autres tentateurs interviennent en dialogues précédés d'annotations de mise en scène, à grand renfort de majuscules et de points d'interjections. Ou d'un poème en prose, contemporain des Illuminations, que Flaubert n'a pas lu, et qui précède le décadentisme. Ou enfin d'une livre d'image où les idoles, les héros, les peuples, les villes fabuleuses, les animaux fantastiques et les monstres font l'objet d'illustrations verbales, oniriques, bien souvent délectables : « Veux-tu le bouclier de Dgian-ben-Dgian, celui qui a bâti les pyramides ? le voilà ! il est composé de sept peaux de dragon mises l'une sur l'autre, jointes par des vis de diamant, et qui ont été tannées dans de la bile de parricide » (p 46) « A chaque degré de ses larges rameaux se tient dans l'air un couple d'esprits. Les branches autour d'eux s'entrecroisent, comme les veines d'un corps ; et ils regardent la vie éternelle circuler depuis les racines plongeant dans l'ombre jusqu'au faite, qui dépasse le soleil » (p 123) « Quand je fus prêt à partir, le Roi me donna un parasol, et il me dit : “J'ai sur l'Indus un haras de chameaux blancs. Quand tu n'en voudras plus, souffle dans leurs oreilles. Ils reviendront” » (p 142). Une mention spéciale pour « Un homme nu », qui devient « le Buddha » (p 169-170) : « Pour délivrer le monde, j'ai voulu naître parmi les hommes. Les Dieux pleuraient quand je suis parti. J'ai d'abord cherché une femme comme il convient : de race militaire, épouse d'un roi, très-bonne, extrêmement belle, le nombril profond, le corps ferme comme du diamant ; et au temps de la pleine lune, sans l'auxiliaire d'aucun mâle, je suis entré dans son ventre. J'en suis sorti par le flanc droit. Des étoiles s'arrêtèrent ».

On trouve le reflet — ou la caricature — de cette indétermination dans les 555 notes et variantes qui concernent la version de 1874.
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Bien loin de l'univers réaliste et feutré qu'il nous avait dressé dans ses livres les plus emblématiques, Gustave Flaubert nous transporte ici dans un cadre onirique peuplé de créatures aux contours troubles et aux formes d'un singulière ambivalence. Les divinités succèdent aux démons dans un enchainement de tableaux énigmatiques et profondément transgressifs (les créatures copulent, jouissent, démembrent, s'automutilent, tranchent) qui rendent la matière de l'oeuvre d'une âpreté morbide.
Il n'y a aucun plaisir immédiat à lire cette prose experte et affutée, d'où l'on sort heurté, éprouvé et vide. Mais ce livre contient des images d'une telle puissance et d'une telle violence que l'on ne peut pas imaginer oublier sa lecture de sitôt. A ne pas laisser entre toutes les mains, définitivement génial, trop référencé pour être lu jeune mais trop cardiaque pour être lu vieux, ce livre est un mystère profond et insondable dans lequel l'on voudrait se perdre sans toutefois être sûr d'en revenir intact.
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Contrairement aux autres ouvrages de Flaubert, je ne suis pas parvenu à apprécier celui-ci. Trop mystique, trop sophistiqué, probablement. Je compte essayer de le lire à nouveau dans quelques années pour voir si mon sentiment change, mais, pour tous ceux qui apprécient le registre habituel de Flaubert (Madame Bovary, Bouvard et Pécuchet, l'Education Sentimentale), vous serez bien surpris, car ce roman n'a rien à voir.
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Fumichon, concernant la propriété, évoque les arguments d'un homme politique dont Flaubert parle en ces terme dans une lettre à George Sand: "Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois! Non! Rien ne peut donner l'idée du vomissement que m'inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la Bourgeoisie!". De qui s'agit-il?

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