Etrange roman que
Salammbô, difficile à aborder, lu souvent avec distraction, avant que, tout à coup, des passages forts, rouges, violents, viennent réveiller le lecteur qui s'ennuyait. Ai-je aimé ce roman ? J'y ai été indifférent au début puis une forme de fascination s'est installée. Ce monde recréé de toute pièce, cette impression fausse de lire un auteur antique, cette double distance infinie, la distance entre
Flaubert et la Carthage de l'antiquité et la distance entre moi et
Flaubert, rend le roman en même temps pénible et mystérieux. Tout nous échappe, c'est voulu.
Derrière cette distance, il y a cependant des procédés novateurs, le vidage des personnages, simples marionnettes dans les mains des forces historiques, le jeu des points de vue qui fait imperceptiblement passer le lecteur de la vision d'un camp à l'autre sans pour autant que ne s'installe une véritable opposition entre les Mercenaires et les Carthaginois, également barbares. Ces procédés ne sont pas cependant ce qui retient d'abord l'attention. Les scènes de violence, horribles, sacrées, étranges, crues, les Carthaginois dans les fosses, les Mercenaires qui se mangent parmi, le martyr de Mâtho, la "grillade des moutards", sont puissantes mais, comme toujours dans ce roman, mises à distance par le style si particulier de
Flaubert, cette ironie toujours aux abois, ce pathos esquissé et écarté, cette impossibilité de la moindre identification à quoi que ce soit. le lecteur se trouve largué. Il adore ça, mais là, c'en est sans doute trop, ou pas assez. Revenons à la question : ai-je aimé
Salammbô ? Non.