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Critique de YANCOU


Paris Fantasme tient du roman hybride et il est sans doute inspiré par la Tentative d'épuisement d'un lieu parisien de George Perec. "Une rue, dix maisons, cent romans" précise l'écrivaine Lydia Flem, invitant le flâneur littéraire à s'engouffrer dans la petite rue Férou et ses cinq cent ans d'histoire, ses vivants et ses morts, ses personnages - réels ou fictifs -, passant du mousquetaire Athos qui y résida au premier flirt de Michel Déon et Françoise Sagan, de Madame de Lafayette à l'éditrice Hortense Sangnez-Belin (les éditions Belin quittent la rue Férou en 2017) sans oublier bien sûr Man Ray qui y eut son atelier après guerre et jusqu'à sa mort en 1976 ou encore la librairie des éditions de l'Âge d'Homme qui ferma ses portes en 2016, remplacé par un glacier qui ferma trois ans plus tard à peine... Et on s'y perd dans cette petite rue, même si l'auteure a la bonne idée de changer son procédé d'écriture de manière constante, pour épuiser le lieu mais pas le lecteur, usant de la liste, du récit autobiographique, de lettres posthumes destinées à Man Ray, Atget, etc. de petites biographie, d'anecdotes, du journal intime et même parfois de petites recettes culinaires - elle arrive ainsi à garder son lecteur en éveil et on se met à rêver cet endroit avec, dit-elle encore : cette "impression d'appartenir à un espace-temps plus grand que soi, fabuleux, romanesque, mythique."
Les citations sont nombreuses aussi : Rimbaud, Virginia Woolf, Walter Benjamin, tant d'autres encore. Mais on est loin de la muséification puisque ce livre, qui nous invite à nous questionner sur l'identité et ce que le lieu peut lui faire, est aussi un ouvrage sur les ravages du temps présent puisque la Rue Férou n'est peut-être plus qu'une rue sans futur ni culture, dont les habitations sont vides ou en location à des prix effarants sur une célèbre plateforme d'origine américaine. Lydia Flem signale que la rue "débute et s'estompe dans les limbes" et lorsqu'elle choisit de s'y installer pour un an, de vivre son fantasme, elle en ressort presque déçue. Malgré les vers de Rimbaud peint sur l'un de ses murs par l'artiste et calligraphe Jan Willem Bruins il y a presque dix ans, on ne peut s'empêcher de penser que cette rue retourne dans les limbes de l'histoire, ou plutôt de l'absence d'histoire et dans le règne de l'image, vidé de ses habitants et donc de contenu réel.
Mais malgré ce constat peut-être sombre et très personnel, ce livre est lumineux de bout en bout. Une dérive littéraire en forme de voyage immobile et une oeuvre singulière et enchanteresse.
Bravo à la toujours très qualitative et intéressante collection La Librairie du XXIème siècle d'avoir le courage de publier de tel livre. Merveille.
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