Au bout d’un long moment, l’humidité et le froid rongèrent les couches de ses vêtements. Elle avait pensé emmener de quoi grignoter, mais les journaux regorgeaient de malfrats trahis par leur ADN pour un crachat ou un trognon de pomme oublié sur une scène de crime. Pas question de faire cette erreur.
Elle fit doucement glisser la fermeture du sac et sortit la carabine. C’était un fusil de chasse à un coup. Elle vérifia encore la culasse et sa balle en plomb à tête creuse. Ses doigts couraient le long de la crosse patinée par le temps. Elle songea à son père qui l’avait emmenée tant de fois pour traquer le gibier. Il leur avait toujours interdit de s’en servir, à elle et à sa sœur. Mais depuis qu’il était mort, elle avait récupéré l’arme fétiche. Elle n’avait jamais pensé l’utiliser un jour. Pourtant, il y avait un mois tout juste, le destin s’en était mêlé.
La jeune femme s’était garée dans une ruelle discrète. Un sac de sport sur l’épaule, elle chemina sur le sentier qui longeait la Loire. La nuit était sombre, une basse voûte de nuages gris occultait les étoiles. Elle dépassa la péniche endormie. Un peu plus loin, l’allée fit un coude sur la gauche : elle était arrivée.
L’odeur de vase et de plantes en putréfaction empesait l’atmosphère. Les pluies d’avril et la dernière marée avaient transformé le petit bois, d’ordinaire apprécié des pique-niqueurs, en marais inhospitalier. Au milieu du coassement des grenouilles, elle rapprocha les pans de son blouson et se coucha à plat ventre dans l’herbe. Sa montre indiquait 21h30.
- Et le commissaire Donnadieu, c'est quel style?
- Si tu apprécies le foot, il t'aura à la bonne. Dans le cas contraire, tu feras avec. On peut dire ce qu'on veut de lui, c'est un bosseur. Il arrive le premier et part le dernier.
Avec l'aide d'une petite lampe, les spécialistes prirent un tube de pastilles de Luminol qu'ils mirent à dissoudre dans une bouteille d'eau. Le liquide fut versé dans le réservoir d'un vaporisateur manuel. Un des policiers se releva en serrant la poignée du nébuliseur et le second prépara l'appareil photo en choisissant le diaphragme et la sensibilité de l'ISO qui convenaient.Quand ils furent prêts tous les deux, le premier se mit à répandre le Luminol autour du cadavre puis décrivit de larges cercles concentriques qui englobèrent le sol et les murs. Au contact du fer contenu dans les tâches d'hémoglobine, le composant s'oxyda en produisant un rayonnement électro-magnétique de couleur bleue qui se détachait nettement dans l'obscurité.