Je lisais, je lisais à perdre haleine. Je lisais pour moi, dans l'urgence. J'ingurgitais à la hâte des provisions de vie.
Je me souviens d’un jour où les palmiers dégoulinaient de pluie. On ne distinguait plus le ciel de la mer. Une buée générale où tout semblait perdu. Je découvrais ma mère, assise sur une chaise, seule au milieu du salon. Elle regardait ses pieds, sans doute depuis longtemps. “Maman, qu’est-ce que tu as ?” Et sa voix très basse, l’ombre de sa voix : “Rien. Il pleut, je suis juive” et j’ai pensé “Je ne pardonnerai pas.”
Je me trompais. Ou presque.
On avait du mal en France à la mener cette guerre. On faisait mieux que la perdre, on la ratait.