Aujourd'hui, le souvenir de Colin est comme ces morceaux de verre dont les marées ont émoussé le tranchant. On les retrouve sur le sable au milieu des coquillages, doux et lustrés, pareils à du velours. Ils ne blessent plus.
Tant de gens sont fragiles, tant d’autres ont la dureté des cailloux, et il faudrait que tout cela s’accorde pour la vie.
Colin répétait : « A ce soir, papa. » Je soufflais à son oreille : « Non, mon bonhomme, demain. » Demain n’existe pas quand on mord la vie avec des dents de lait.
Il me suffisait de regarder le visage de mon fils pour savoir l’heure qu’il était dans ma vie.
Mon existence est une énorme faute de goût. Ce désastre bénin m’affecte au-delà du raisonnable. On dramatise tout, la nuit.
À vouloir combler le vide, à chercher Marie partout, à l’inventer comme j’aurais inventé la poudre, le risque était grand de ne laisser après nous que des cendres. Ces souvenirs ont pris toute la place sur le canapé. J’ai eu tort de défier le malheur en lui accordant l’hospitalité. Il en profite.
Demain n'existe pas quand on mord la vie avec des dents de lait.
J'ignore combien de temps on reste un père. Toujours sans doute. Le titre subsiste même quand on l'a perdu, comme pour les anciens présidents et les éternelles mademoiselles des génériques, au cinéma.
Chaque seconde créait un nouvel enfant. Le sourire du soir n'était plus celui du matin. Je portais encore une montre à mon poignet mais il me suffisait de regarder le visage de mon fils pour savoir l'heure qu'il était dans ma vie.
Qu'aurait-elle pensé si je lui avais dit : " J'espère que le ciel va se couvrir ? "