p.11:"Depuis toute ma vie et pour toute la vie, je pédale."
Retarder l'instant du crépuscule. Cela suffit. Les jambes qui tournent sur la terre qui tourne, c'est la vie qui repousse ses limites, qui agrandit ses frontières. Le temps perdu à rouler dans le vent, sous la pluie ou contre la montre, c'est du temps retrouvé pour affronter plus tard les jours gris qu'on tapisse avec ses souvenirs, tant mieux s'ils furent heureux, et s'ils ne le sont pas, au moins qu'ils soient riches en aventures.
Depuis toute la vie et pour toute la vie, je pédale. Sur les routes et déroutes qui vont de l'enfance à l'âge qu'on croit adulte, avec un petit vélo dans la tête qui n'en finit pas de me faire tourner en rond sur la terre toute ronde, comme si la vocation première de la bicyclette était d'arrondir les angles du monde.
Je crois aussi qu'on écrit beaucoup quand on n'écrit pas. De ces longues virées à bicyclette me sont restées des phrases et pas n'importe lesquelles : des débuts, des commencements, tous ces "il était une fois" qui rendent les histoires possibles, et belles.