Citations sur Où on va, papa ? (270)
Un jour, Pierre Desproges est venu avec moi chercher Thomas dans son établissement. Il n'avait pas beaucoup envie, j'avais insisté. [...] Cette visite l’a beaucoup remué. Il a eu envie d’y retourner. Il était fasciné par ce monde étrange où des enfants de vingt ans couvrent de baisers leur ours en peluche, viennent vous prendre par la main ou menacent de vous couper en deux avec des ciseaux.
Lui qui adorait l’absurde, il avait trouvé des maîtres.
Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer Mathieu et Thomas sur le marché du travail.
Mathieu, qui fait souvent « vroum-vroum », pourrait faire chauffeur routier, il traverserait l’Europe à fond la caisse au volant d’un semi-remorque de plusieurs tonnes avec le pare-brise couvert de nounours.
Thomas, qui aime bien jouer avec des petits avions et les ranger dans les boîtes, pourrait faire aiguilleur du ciel, il serait chargé de faire atterrir les gros porteurs.
Ils ne grandissent pas, ils ne grossissent pas, à quatorze ans ils en paraissent sept, ce sont des petits lutins. Ils ne s'expriment pas en français, ils parlent le lutin, ou bien ils miaulent, ils rugissent, ils aboient, ils piaillent, ils caquettent, ils jacassent, ils couinent, ils grincent. Je ne les comprends pas toujours.
Il ne pourra jamais lire. Même si les lettres sur les pages sont devenues nettes, ça restera toujours flou dans sa tête. Il ne saura jamais que toutes ces petites pattes de mouche qui couvrent les pages des livres nous racontent des histoires et ont le pouvoir de nous transporter ailleurs. Il est devant elles comme moi devant des hiéroglyphes.
Mais comme il n'était pas dans la norme, il n'avait plus le droit à rien. On ne peut pas en vouloir à son parrain, c'est normal. Il s'est dit : "La nature ne lui a pas fait de cadeau, il n'y a pas de raison que moi je lui en fasse." De toute façon, il n'aurait pas su quoi en faire.
Il ne faut pas croire que la mort d'un enfant handicapé est moins triste.C'est aussi triste que la mort d'un enfant normal.
Elle est terrible la mort de celui qui n'a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir.
De celui-là, on a du mal à garder le souvenir d'un sourire.
Que tous ceux qui n'ont jamais eu peur d'avoir un enfant anormal lèvent la main.
Personne n'a levé la main.
Tout le monde y pense, comme on pense à un tremblement de terre, comme on pense à la fin du monde, quelque chose qui n'arrive qu'une fois.
J'ai eu deux fins du monde.
Il ne faut pas croire que la mort d'un enfant handicap est moins triste. C'est aussi triste que la mort d'un enfant normal. Elle est terrible la mort de celui qui n'a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir. De celui-là, on a du mal à garder le souvenir d'un sourire.
Quand je me promène avec mes deux garçons, j'ai l'impression d'avoir au bout des bras des marionnettes ou des poupées de chiffon.
Un livre que j'ai écrit pour vous. Pour qu'on ne vous oublie pas
, que vous ne soyez pas seulement une photo sur une carte d'invalidité. Pour écrire des choses que je n'ai jamais dites. Peut être des remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent je ne vous supportais pas, vous étiez difficiles à aimer. Avec vous, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange