Tu m'as porté à bout de bras,
Avant que tu ne disparaisses,
Avant que ton silence ne me blesse.
Moi, je n'avais que moi.
Toi tu avais les autres.
Pourquoi m'avoir choisi moi ?
Je n'avais rien d'un joli coeur,
Doublé d'un pessimiste.
Toi tu étais l'altruisme.
Tu respirais la joie,
Lorsque nous étions vivants.
Aujourd'hui tout est consternant.
Tu es parti sans bruit
Les feuilles de l'automne
Ont fait ton cercueil.
Tout me rappelle ta présence.
Du comportement des gens,
Fusent ton absence.
Le moindre objet
Est chargé d'histoire.
Inutiles accessoires…
Cette année dans ton jardin
Les lavatères, les roses trémières, tout a fleuri.
Les arbres fruitiers croulent sous les fruits.
Pourtant la vie continue,
Sans que tu sois là,
Et c'est pour moi,
L'inconnu.
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Trois ans que ce livre me tourmente, trois ans d'hésitation, trois ans de « on verra plus tard » par peur de refaire saigner la plaie partagée avec l'auteur…
Et puis, un jour, hier, ayant admis que ça saigne toujours et que ce livre au titre si effrayant n'y changera rien, j'ai fini par oser tourner les pages. C'est très court, ça se lit très vite (une heure ou deux) et en cachette, pour éviter les remontrances des enfants (« tu devrais lire autre chose, tu te fais du mal, etc …).
J'ai trouvé que l'auteur parlait beaucoup de lui et, finalement, assez peu d'elle. Ca m'a surpris et en même temps rassuré : je ne serais donc pas le seul à m'apitoyer sur mon sort en pareille situation ?
A petites touches, il décrit presqu'à l'identique ce que je ressens. Il a vidé ses placards, les miens sont toujours pleins des vêtements que je n'ai pas encore pu donner, les parfums et les crèmes sont toujours sagement alignés sur les étagères de la salle de bains. J'ai gardé aussi les derniers SMS adressés à nos enfants lors de ses derniers jours. Je n'arrive pas à les effacer, ça me semble sacrilège comme si j'allais la tuer une seconde fois. Il faudra les jeter avec moi quand mon tour viendra.
Il évoque le sac à main toujours présent, toujours rempli, toujours prêt à partir mais ne partant plus. J'ai le même à la maison.
Il n'a pas beaucoup de photos sauf une, collée à la sienne dans son portefeuille. Je n'ai pas de portefeuille mais des photos, j'en ai beaucoup, un peu partout dans la maison : en bébé, en petite fille, en jeune fille, dans la plénitude de sa beauté, avec moi, avec nos enfants, ici et ailleurs, à l'autre bout du monde dans ces voyages où tout était si lumineux, comme elle. Des regrets, il en a et les met sur le compte de son « imbécile pudeur ». Ca me renvoie à tout ce que je n'ai pas dit de ce que j'aurais dû dire, de tout ce que je n'ai pas fait de ce que j'aurais dû faire, lorsqu'il en était encore temps, quand elle me disait « on a tout pour être heureux ».
Et puis il raconte son cauchemar qui ressemble aux miens. Une fois, elle me quitte pour un autre, il se demande s'il aurait autant de chagrin. A peine réveillé je me pose la même question sans réponse. D'autres fois c'est encore pire : je sais que tu as quitté cette terre et pourtant lorsque j'entre quelque part (un jardin, un salon, une véranda), Tu Es Là ! Parfois en pleine forme, parfois malade, souffrante mais souriante, heureuse de me voir. Je me tourne vers les présents, je leur dis que tu es morte et ils me répondent que tu es bien là. Je te contemple, je doute, j'espère, je m'approche de toi et je me réveille…
Je me rends compte que je vous ai très peu parlé du livre, vous avez sans doute compris pourquoi, alors, je rends la parole à l'auteur :
« Le jour où l'eau courante ne court plus on regrette sa fraîcheur, quand la lampe s'éteint on regrette sa lumière, et le jour où sa femme meurt, on se rend compte à quel point on l'aimait. C'est triste de penser qu'il faut attendre le pire pour enfin comprendre. Pourquoi le bonheur, on le reconnaît seulement au bruit qu'il fait en partant. »
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Époustouflant de justesse, de beauté et de dérision parfois piquante, signe d’une grande pudeur, "Veuf" émeut aux larmes mais fait sourire beaucoup plus souvent. Jean-Louis Fournier serait content, lui qui note en exergue ces mots de Voltaire, comme pour prévenir le lecteur : "Il est poli d’être gai".
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Pas de lamentation ni de pathos, mais de la tristesse et de l'humour, toujours, dans ce récit d'une longue vie à deux et de quelques mois de solitude.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Rire de ce qui rend triste, rire de ce qui fait peur, c'est la voie étroite choisie depuis longtemps, et avec le talent que l'on sait, par l'inclassable écrivain-humoriste.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
C'est la chronique d'un veuvage « frais » que déroule ici Jean-Louis Fournier, chez qui la dérision est le masque de la pudeur. Aussi n'en craint-il pas les cruautés: elles le gardent de la tentation du lamento.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Le jour où l'eau courante ne court plus on regrette sa fraîcheur, quand la lampe s'éteint on regrette sa lumière, et le jour où sa femme meurt, on se rend compte à quel point on l'aimait. C'est triste de penser qu'il faut attendre le pire pour enfin comprendre. Pourquoi le bonheur, on le reconnaît seulement au bruit qu'il fait en partant?
Sur mon téléphone portable, j'ai retiré ton nom de mes contacts. J'ai appuyé sur "chercher", j'ai fait dérouler tous les noms jusqu'à "Sylvie", puis j'ai appuyé sur "option" et là j'ai choisi "supprimer". Mon écran a affiché une terrible question : "Supprimer Sylvie ?". J'ai hésité longtemps. Finalement, j'ai enfoncé avec émotion la touche "OK". J'avais l'impression d'être le président de la République qui appuyait sur le bouton rouge de la bombe atomique. Est apparu alors sur l'écran une petite poubelle avec un couvercle sautillant qui s'est posé dessus pour la fermer. Voilà, c'était fait, je t'avais mise à la poubelle.
Le jour où l'eau courante ne court plus, on regrette sa fraîcheur, quand la lampe s'éteint, on regrette sa lumière, et le jour où sa femme meurt, on se rend compte à quel point on l'aimait. C'est triste de penser qu'il faut attendre le pire pour enfin comprendre. Pourquoi le bonheur, on le reconnaît seulement au bruit qu'il fait en partant?
C'est triste de penser qu'il faut attendre le pire pour enfin comprendre. Pourquoi le bonheur, on le reconnaît seulement au bruit qu'il fait en partant ?
Si je dis que je vais bien, ce n'est pas vrai; si je dis que je vais mal, ce n'est pas vrai non plus. Je vais.
Parole d'écrivain avec Jean-Louis Fournier
Pour ce quatrième episode de la nouvelle saison de « Parole d'ecrivain », Sarah Masson avait rendez-vous avec Jean-Louis Fournier, qui vient de publier son nouveau roman « Je n'ai plus le temps d'attendre ». Pour Jean-Louis Fournier, l'écriture est un jeu, un plaisir de raconter et une grande liberté. C'est aussi un homme pressé qui nous parle de notre rapport au temps.
Bonne ecoute !
Un podcast de Sarah Masson, egalement auteure d'un premier roman chez JC Lattes : « le Silence apres nous ».
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