Citations sur Le Malaise dans la culture (27)
Il est un cas qui prend une importance toute particulière ; il se présente lorsque des êtres humains s'efforcent ensemble et en grand nombre de s'assurer bonheur et protection contre la souffrance au moyen d'une déformation chimérique de la réalité. Or les religions de l'humanité doivent être considérées comme des délires collectifs de cet ordre. Naturellement, celui qui partage encore un délire ne le reconnaît jamais pour tel.
Le premier sentiment de culpabilité contraint à renoncer aux satisfactions pulsionnelles, l'autre pousse en outre à la punition, étant donné qu'on ne peut cacher au sur-moi la persistance des souhaits interdits.p.70
Ainsi les deux tendances, celle du bonheur individuel et celle du rattachement à l'humanité, ont-elles aussi à combattre l'une ou l'autre en chaque individu; ainsi les deux procès du développement individuel et du développement culturel doivent-ils nécessairement s'affronter avec hostilité et se disputer l'un à l'autre le terrain.p.84
On ne peut se défendre de l'impression que les hommes se trompent généralement dans leurs évaluations. Tandis qu'ils s'efforcent d'acquérir à leur profit la jouissance, le succès ou la richesse, ou qu'ils les admirent chez autrui, ils sous-estiment en revanche les vraies valeurs de la vie. Mais sitôt qu'on porte un jugement d'un ordre aussi général, on s'expose au danger d'oublier la grande diversité que présentent les êtres et les âmes. Une époque peut ne pas se refuser à honorer de grands hommes, bien que leur célébrité soit due à des qualités et des œuvres totalement étrangères aux objectifs et aux idéals de la masse. On admettra volontiers, toutefois, que seule une minorité sait les reconnaître, alors que la grande majorité les ignore. Mais, étant donné que les pensées des hommes ne s'accordent pas avec leurs actes, en raison au surplus de la multiplicité de leurs désirs instinctifs, les choses ne sauraient être aussi simples.
Aussi le courage me manque-t-il pour m’élever en prophète devant mes semblables, et je m’incline devant le reproche qu’ils me feront de ne savoir pas leur apporter du réconfort, car au fond, c’est ce qu’ils réclament tous, les révolutionnaires les plus sauvages avec non moins de passion que les croyants les plus pieux et les plus paisibles.
Le surmoi est une instance déduite par nous, la conscience morale une fonction que nous lui attribuons parmi d’autres, qui doit surveiller et juger les actions et les intentions du moi, et qui exerce une activité de censure. Le sentiment de culpabilité, la dureté du surmoi, sont donc la même chose que la sévérité de la conscience morale, il est la perception impartie au moi d’être ainsi surveillé, l’évaluation de la tension entre ses aspirations et les exigences du surmoi, et la peur de cette instance critique, peur qui est au fondement de toute la relation ; le besoin de punition est une manifestation pulsionnelle du moi devenu masochiste sous l’influence du surmoi devenu sadique, c’est-à-dire qu’il utilise une part de la pulsion présente en lui, de destruction interne pour en faire une liaison érotique au surmoi.
Le diable est encore le meilleur subterfuge pour disculper Dieu.
L'amour est donc le facteur interne principal qui unit les humains entre eux.
L'un de ces hommes éminents se déclare dans ses lettres mon ami. je lui avais
adressé le petit livre où je traite la religion d'illusion ; il me répondit qu'il serait entièrement d'accord avec moi s'il ne devait regretter que je n'eusse tenu aucun compte de
la source réelle de la religiosité. Celle-ci résiderait, à ses yeux, dans un sentiment
particulier dont lui-même était constamment animé, dont beaucoup d'autres lui
avaient confirmé la réalité, dont enfin il était en droit de supposer l'existence chez des
millions d'êtres humains. Ce sentiment, il l'appellerait volontiers la sensation de
l'éternité, il y verrait le sentiment de quelque chose d'illimité, d'infini, en un mot :
d'« océanique ». Il en ferait ainsi une donnée purement subjective, et nullement un
article de foi. Aucune promesse de survie personnelle ne s'y rattacherait. Et pourtant,
telle serait la source de l'énergie religieuse, source captée par les diverses Églises ou
les multiples systèmes religieux, par eux canalisée dans certaines voies, et même tarie
aussi. Enfin la seule existence de ce sentiment océanique autoriserait à se déclarer
religieux, alors même qu'on répudierait toute croyance ou toute illusion.
On ne peut se défendre de l'impression que les hommes se trompent généralement
dans leurs évaluations . Tandis qu'ils s'efforcent d'acquérir à leur profit la jouissance,
le succès ou la richesse, ou qu'ils les admirent chez autrui, ils sous-estiment en
revanche les vraies valeurs de la vie. Mais sitôt qu'on porte un jugement d'un ordre
aussi général, on s'expose au danger d'oublier la grande diversité que présentent les
êtres et les âmes. Une époque peut ne pas se refuser à honorer de grands hommes,
bien que leur célébrité soit due à des qualités et des oeuvres totalement étrangères aux
objectifs et aux idéals de la masse. On admettra volontiers, toutefois, que seule une
minorité sait les reconnaître, alors que la grande majorité les ignore. Mais, étant
donné que les pensées des hommes ne s'accordent pas avec leurs actes, en raison au
surplus de la multiplicité de leurs désirs instinctifs, les choses ne sauraient être aussi
simples.
La question du but de la vie humaine a été posée d'innombrables fois ; elle n'a jamais encore reçu de réponse satisfaisante. Peut-être n'en comporte-t-elle aucune. Maints de ces esprits « interrogeants » qui l'ont posée ont ajouté : s'il était avéré que la vie n'eût aucun but, elle perdrait à nos yeux toute valeur. Mais cette menace n'y change rien, il semble bien plutôt qu'on ait le droit d'écarter la question. Elle nous semble avoir pour origine cet orgueil humain dont nous connaissons déjà tant d'autres manifestations.