Citations sur Mauvais fils (9)
Pourquoi moi ? Qu'est-ce qui a déconné pour que ça m'arrive ?
Pour que j'aime les garçons, et pas les filles. Les filles, je peux les adorer, les embrasser et les caresser même, mais - je le sais parce que j'ai essayé - le bout de mes doigts reste froid sur leur peau, mon sang ne coule pas plus vite quand je respire leurs cheveux, et mon sexe, il répond pas. Chaque jour, je le tais en espérant que mes pensées prendront le "bon chemin". En priant pour que mes "mauvaises idées" finissent pas me lâcher. Avant que je m'écroule, asphyxié dans le couloir. Y a qu'à voir comme je vacille chaque fois que je passe devant la photo de mariage de mes parents accrochée au mur de l'entrée. Comme je me méprise en silence, comme j'espère un jour ou l'autre redevenir digne d'eux. Digne, c'est le mot qui me vient à l'esprit.
« C'est vrai, ça change quoi que je suis avec un mec ? Pas de trousse de maquillage, pas de petit panier rempli de barrettes ou de bijoux, on s'en fout non ? Y a quand même deux brosses à dents dans le même verre, y a deux oreillers sur le lit, deux pointures de chaussures, pourquoi on n'appellerait pas ça un couple aussi? »
« Mon père aussi il m'emmerde, avec sa manie de s'adresser à moi « entre hommes ». Ça me fout mal à l'aise. Chaque fois je vire au rouge, jamais dedans, toujours à côté, forcément décalé. L'autre jour par exemple, il m'a tapé dans le dos – geste paternel – avant de m'entraîner vers le tableau électrique de l'appartement en me disant : « Je vais t'apprendre ce que tu devras savoir faire quand t'auras ta maison. Parce que tu comprends, ce genre de travail, c'est masculin ! Les femmes, elles sont plus à l'aise que nous avec les casseroles, mais elle bitent rien à l'électricité. » Et puis il s'est marré. »
Je n'ai jamais pensé que mes parents s'engueulaient à cause de moi, j'ai toujours su qu'ils ne m'avaient pas attendu pour commencer.
J'imagine le carnage si je leur racontais que la femme de ma vie a une petite barbe au menton, une voix plus grave que la mienne, pas de seins, pas de rouge à lèvres et pas d'utérus surtout !
Papa, Maman, j'ai un scoop, la femme de ma vie s'appelle Cédric...
Ce soir plus qu'hier, je voudrais être un autre. Pas cette erreur de la nature, cette foutue boulette dans une famille qui n'attend plus que moi pour s'effondrer, quand elle saura qui je suis en réalité. Parce que c'est sûr, ce n'est pas avec moi qu'ils iront mieux, mes vieux. Et je vis avec cette angoisse, qui m'écrase pendant la nuit et pendant le jour aussi. Pourquoi moi ? Qu'est-ce qui a déconné pour que ça m'arrive ?
Pour que j'aime les garçons, et pas les filles.
« - C'est bon. Tu peux rester. T'inquiète. Je m'en fous que tu sois pédé, mais tu me cherches pas, c'est tout ! Je reste sur place, reprenant mon souffle, soulagé mais encore honteux. - C'est bon, arrête de flipper, je vais pas te bouffer ! Continue Mounir. Mais tu ne me branches plus, OK ? Faut que t'ailles voir ailleurs pour ça. Il aurait pu me mettre une beigne, me foutre dehors ou pire, se marrer. N'empêche, j'aime pas le « ça » qu'il vient de prononcer. On dirait que j'ai un truc dégueu ou malade sur moi. Quelque chose qu'on peut pas nommer, qu'on préfère appeler « ça ». »
C'est pas le chantier qui me fait peur, Papa. Non, c'est pas le chantier, ni le patron. C'est ta manière d'en parler, c'est ton espoir de me voir adopter, enfin, une posture de mec. Parce que, tu ne le dis pas, mais tu trouves que je marche trop légèrement, hein ? Tu trouves que j'ai une drôle d'attitude, tu voudrais que je traîne avec une bande de vrais mecs, t'as jamais pu saquer Mounir et tu sais pas ce que je fous avec Lella et Fatou, parce que t'as bien compris que je cours pas après Lella, n'est-ce pas ? En fait, Papa, t'as un doute au fond de toi, tu te demandes, depuis plusieurs années, si ton fils, il serait pas un peu pédé... Quelque chose que tu sens, t'as pas de preuve et t'en as jamais parlé à Maman, mais tu ne peux pas t'empêcher de craindre le pire. C'est ça, qui me fait peur, en vrai.
Je sais percer, visser, découper, coller, installer un circuit électrique et le relier à un tableau électrique. Je sais aussi brancher un mec qui me plaît à l'Open Café, je sais danser avec lui, je sais l'embrasser et me laisser aller. Je suis un fils parfait dans les rêves de mes parents. Mais dans ma réalité, je me vois comme un traître, un lâche. Car je me cache pour goûter à des plaisirs interdits. J'ai tellement honte.