Pour sa rentrée littéraire française, Aux Forges de Vulcain a opté pour le dépaysement en nous laissant suivre
Antoine Galland, un universitaire fraîchement largué par sa femme, qui part avec ses filles dans un club de vacances égyptien, le Kloub. Sur place, une animation est proposée aux vacanciers : démasquer
Badroulboudour, incarnation humaine d'un certain idéal de beauté. Dans l'esprit de notre héros, le nom de
Badroulboudour a une tout autre résonnance. Si tout le monde connaît la Jasmine que Disney a donné comme amoureuse à son Aladdin, peu de gens se souviennent que dans le conte d'origine d'Aladin et la Lampe Merveilleuse, la princesse dont Aladin s'éprend se nomme
Badroulboudour. Mais notre
Antoine Galland est mieux placé que quiconque pour le savoir car c'est un spécialiste des Mille et une nuits puisqu'il a consacré des travaux d'étude au traducteur français de ce recueil de contes ; traducteur dont il est l'homonyme,
Antoine Galland.
Ainsi se construit le roman de Jean-Baptiste de Froment, en jeu de miroir entre l'
Antoine Galland de 2021 et l'
Antoine Galland des années 1700 qui est, on l'ignore bien souvent, le véritable auteur du conte d'Aladin dont il n'existe aucun manuscrit arabe (de la même façon, il invente aussi «
Ali-Baba et les quarante voleurs » qu'il ajoutera également aux Mille et Une Nuits).
Badroulboudour est un roman qu'on lit avec le sourire. Notre Antoine, intello un peu paumé, en quête d'amour, est d'une maladresse touchante dans cet univers de Club où l'on s'accueille, par exemple, en se roulant des pelles. le décalage est savoureux. On comprend assez rapidement que le projecteur qu'allume JB de Froment pour mettre en lumière les deux
Antoine Galland donne à ce voile d'apparence sérieuse aux motifs universitaires et lettrés des reflets de dérision voire d'absurde qui font tout le sel du roman. La scène de Top Ecrivain, émission à mi-chemin entre une Star Ac et un The Voice de la littérature, en est l'un des exemples : s'y affrontent, dans une intéressante réflexion sur l'acte d'écriture, les partisans de la technique et les défenseurs de l'émotion.
Badroulboudour est un roman qu'on lit avec curiosité. J'ignorais tout de l'
Antoine Galland historique et la découverte du personnage est captivante, que ce soit dans la narration du contexte de la naissance d'Aladin et la Lampe Merveilleuse ou dans ce qui fait de lui l'un des piliers du pont que J.-B. de Froment fait avec notre époque. Pont sur lequel trottinent allègrement l'orientalisme et sa cariole de clichés qu'il sème jusqu'au pilier du XXIème siècle. Cela réjouit les uns, révulse les autres ; là encore, il y a matière à réfléchir.
On l'a compris,
Jean-Baptiste de Froment conjugue humour et esprit dans ce roman qui, sous le soleil d'Orient, abrite une histoire d'amours ; amour conjugal, amour des lettres, amour patriote, sont quelques-unes des facettes de ce petit bijou littéraire qui, sous sa naïveté de façade, offre plusieurs niveaux de lecture. Si dans leur cahier des charges, les éditions Aux Forges de Vulcain « espèrent plaire et instruire », on peut raisonnablement penser que pour cette Rentrée, le pari est tenu. Haut la main.