Citations sur Bouddhisme Zen et psychanalyse (29)
[…] le christianisme, religion de l’Occident, parle du Verbe, du mot, de la chair, de l’incarnation et d’une orageuse temporalité. La religion de l’Orient lutte pour la désincarnation, le silence, l’absorption, la paix éternelle. Pour le Zen, l’incarnation est désincarnation. Le silence est grondant comme le tonnerre. Le Mot est non-Mot, la chair non-chair, ici et maintenant pareils au vide (sunyata) et à l’infini.
La connaissance scientifique du Soi, aussi longtemps qu’elle l’objectifie, n’en est pas une connaissance réelle. Il faut inverser la direction que poursuit la science. Il faut appréhender le Soi de l’intérieur et non de l’extérieur. Cela signifie qu’il doit être connu en soi sans sortir de lui-même.
Kong-tong, le Chaos, ne possédait aucun organe sensoriel. Ses amis, qui lui devaient leur perfection, par reconnaissance, décidèrent de lui en donner. En huit jours, ils réussirent à lui façonner yeux, nez, bouche, oreilles, mais le neuvième jour, Chaos, transformé en être sensible comme eux, mourut. L’Orient est Chaos, l’Occident, le groupe de ses amis bien intentionnés, mais sans discernement.
La naissance n'est pas un acte. C'est un processus. Le but de la vie est de naître d'une manière plénière et son drame est que la plupart d'entre nous meurent avant même d'être nés. Vivre est naître à chaque instant. La mort survient quand la naissance s'arrête. Physiologiquement, notre système cellulaire est un processus de naissance ininterrompue. Psychologiquement, beaucoup d'entre nous, arrivés à un certain point, cessent de naître. Certains sont totalement mort-nés, ils poursuivent une vie physiologique alors que mentalement leur désir serait le retour au sein de la mère, à la terre, aux ténèbres, à la mort. (...) Bien d'autres encore progressent sur le chemin de la vie, mais sans parvenir à trancher le cordon ombilical. Ils demeurent symbiotiquement reliés à la mère, au père, à la famille, à la race, à la position, à l'argent, aux dieux, etc. Jamais ils ne viennent au jour en tant que pleinement eux-mêmes, aussi ne parviennent-ils jamais à naître pleinement.
La réponse au problème de l'existence que représente une tentative de régression peut assumer diverses formes. Mais elles ont toutes en commun le fait qu'elles aboutissent à l'échec et la souffrance.
La première approximation d'une définition du bien-être pourrait se formuler ainsi: le bien-être, c'est être en accord avec la nature de l'homme.
Le Zen déclare que le Tao est notre "esprit quotidien". Le Zen désigne évidemment par "Tao" l'inconscient, toujours à l'oeuvre dans notre conscient.
L’approche Zen de la réalité consiste à pénétrer droit au cœur de l’objet lui-même, à l’appréhender de l’intérieur tel qu’il est en lui-même. Connaître la fleur est devenir la fleur, fleurir comme elle et comme elle jouir du soleil et de la pluie. Alors la fleur nous parle, nous livre sa vie tout entière, telle qu’elle est, frémissante au plus profond d’elle-même. Outre cela, cette « connaissance » inclut celle de notre propre Moi, ce Moi qui notre vie durant a éludé toutes nos recherches car, fractionné par la dualité, nous étions devenu le chercheur et le cherché, l’objet et son ombre. Rien d’étonnant à ce que nous ne soyons jamais parvenu à Nous saisir ! Combien épuisant fut ce jeu !
Le refoulement, outre son rôle déformant, joue un autre rôle « qui consiste à rendre une expérience irréelle par « cérébralisation ». Je veux dire par là que je crois voir, mais ne vois que des mots. Je crois ressentir, mais ne fais que penser la sensation. L'individu cérébral est un individu aliéné, l'individu de la grotte de Platon. Il ne voit que des ombres et les prend pour la réalité présente.
Le processus de cérébralisation est lié à l'ambiguïté du langage. À peine ai-je exprimé quelque chose par un mot, que l'aliénation survient. La plénitude de l'expérience a été aussitôt remplacée par le mot. En réalité, l'expérience n'existe dans sa plénitude que jusqu'au moment d'être exprimée par le langage.
Le bien-être est l'état de celui qui est arrivé au plein développement de sa raison. Raison, ici, n'est pas pris dans le sens d'un simple jugement intellectuel, mais dans celui de la réalité appréhendée en « laissant les choses être » (selon les termes de Heidegger) ce qu'elles sont. Le bien-être n'est accessible que dans la mesure où le narcissisme personnel a été dépassé, dans la mesure où l'on se fait ouvert, coopérant, sensible, éveillé, vide (dans le sens Zen du mot). Le bien-être signifie être pleinement, affectivement, relié à l'homme et à la nature.
Le bien-être signifie être totalement né, devenir réellement ce que l'on est potentiellement. Cela signifie aussi posséder la pleine capacité d'éprouver joie et douleur, ou, pour l'exprimer mieux encore, de s'éveiller de cette demi-somnolence dans laquelle vit l'homme moyen, et d'atteindre enfin le réveil total. Cela signifie en plus d'être créatif. C'est-à-dire de réagir et de répondre à moi-même, aux autres, à toutes les choses existantes. De réagir et de répondre en tant que l'homme total que je suis, à la réalité de chacun et de chaque chose tels qu'ils sont en eux-même