Chasseuse de la nuit, tome 5 : Réunis dans la tombe

- Répète ? Criai-je à Bones.
Il s'était placé sous le pont après m'avoir déposée en volant sur l'une des poutres suspendues au-dessus du vide avec un seul mot d'explication que j'avais forcément mal entendu.
- Saute.
D'accord. J'avais donc bien compris la première fois.
Je jetai un nouveau coup d'oeil aux remous du Mississippi sous les pieds.
- Si c'est une manière de m'annoncer que tu demandes le divorce...

- Avant, il y a une chose que j'aimerais savoir. Si la télépathie existe réellement, alors cette autre légende...
- Demande-moi si je scintille au soleil et je te tue, l'interrompit Bones avec le plus grand sérieux.

Contrairement à moi, Bones n'éprouvait aucun dégoût à tenir un bras détaché de son corps d'origine. Il attrapa la goule par l'autre bras et se servit du premier pour lui asséner des coups sur la tête. J'avais déjà entendu mon mari menacer des gens de les assommer avec leurs propres membres, mais j'avais toujours cru qu'il ne s'agissait que d'une expression. J'avais tort, visiblement.

Beaucoup plus lentement, je me tournais cette fois vers Vlad, que je découvris en train de s'examiner les ongles, comme si ses mains n'étaient plus noyées dans les flammes qui avaient décapité la goule quelques secondes auparavant.
- Qu'est-ce qui s'est passé, bon sang ? demandai-je.
- Inflammation précoce, répondit-il. Ca m'arrive de temps en temps. C'est très gênant, je n'aime pas beaucoup en parler.
J'entendis un ricanement amusé à ma droite. Je me retournai et vis Bones adresser à Vlad le regard le plus approbateur dont il l'avait jamais gratifié. Son expression s'assagit lorsqu'il croisa mon regard.

- Chaton..., répondit Bones en s'immobilisant, sa chemise à moitié enfilée, quatre heures de sommeil en te serrant dans les bras valent bien mieux que huit heures passées à m'agiter et à me retourner dans tous les sens parce que tu n'es pas la.

Personne ne savait ce que son avenir lui réservait. Nous avions peut-être des centaines d’années à passer ensemble. Des milliers. Ou bien seulement dix minutes avant qu’une météorite s’écrase sur la maison et me désintègre tout en [épargnant Bones]. Notre temps était compté, c’était la seule certitude.
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Il tourna les yeux vers Bones.
— Tu ne vas pas la laisser faire, quand même ?
Bones ricana.
— La laisser faire ? Mon pote, si tu penses qu’on
peut contrôler une femme, c’est que tu dois être célibataire… et je te parie
mille dollars qu’elle va te torcher.

L’un d’entre eux poussa d’étranges grognements en battant
curieusement des lèvres, mais les autres gardèrent le silence. Vlad soupira.
— C’est quand même malheureux, il faut toujours faire
une ou deux victimes avant qu’on vous prenne au sérieux.

— Euh, d’accord, mais en quoi est-ce que ça te
surprend ? Ils ne peuvent tout de même pas te laisser tranquillement effrayer le public en lui révélant des informations qu’il n’est pas prêt à entendre.
Timmie se hérissa.
— Je n’arrive pas à croire que tu dises une chose
pareille. Les gens ont le droit de savoir…
— Foutaises, l’interrompit sèchement Bones. La plupart
du temps, les gouvernements mentent pour des raisons purement égoïstes, mais dans ce genre de circonstances, ils ont mille fois raison. Tu penses vraiment que si les masses apprenaient qu’elles partagent cette planète avec des créatures sorties de leurs pires cauchemars, ça ne déclencherait pas une hystérie collective ? Ce serait encore pire qu’une bombe nucléaire.
— On s’en sortirait, répondit Timmie en redressant
encore plus le menton.
Bones poussa un soupir de dérision.
— Le jour où les humains cesseront de s’étriper à
propos de la couleur de la peau ou des dieux qu’ils vénèrent, je commencerai peut-être à y croire.
Je m’éclaircis la voix, gagnée par l’envie de défendre mon
ancienne espèce.
— Quand on voit ce qui se passe pour l’instant entre
goules et vampires, je dirais que l’homme n’a pas le monopole des préjugés débiles.

- Garde cet état d’esprit pour plus tard, ma belle.
Avec un peu de chance, nous nous prélasserons dans le Jacuzzi de l’hôtel avant l’aube.

Si j’avais encore été humaine, j’aurais probablement rougi.
En toute logique, j’aurais dû depuis longtemps avoir dépassé la période où je déshabillais mentalement mon propre mari pour laisser libre cours à mes fantasmes. Notre relation n’en était plus à ses prémices, après tout. Mais
lorsque Bones s’approcha de moi, ses yeux noirs scintillant d’un soupçon de vert, je sentis la chair de poule me gagner comme s’il s’agissait de notre premier rendez-vous. Puis je me crispai de la tête aux pieds lorsqu’il me
frôla, mais seul son souffle me titilla la peau lorsqu’il me murmura à l’oreille.