Nous allons jouer. Toi, tu ne fais rien. Laisse-moi tout faire.
Assis sur le lit, tu essaies de distinguer la source de cette lumière diffuse, opaline qui te permet à peine de séparer les objets et la présence d’Aura, de l’atmosphère dorée qui les enveloppe. Elle t’aura vu regarder vers en haut, à la recherche de cette source. À sa voix, tu sais qu’elle est agenouillée devant toi;
- Le ciel n’est ni bas, ni haut. Il est en même temps au-dessus et en-dessous de nous.
Elle t’ôtera les souliers, les chaussettes et caressera tes pieds nus.
Tu sens l’eau tiède qui baigne la plante de tes pieds, les soulage pendant qu’elle te lave avec une toile grossière, et lance des regards furtifs au Christ de bois noir, s’écarte enfin de tes pieds, te prend par la main, plante quelques boutons de violette à ses cheveux défaits, te prend dans les bras et chantonne cette mélodie, cette valse que tu danses avec elle, attaché au murmure de sa voix, en tournant au rythme très lent, solennel qu’elle t’impose, étranger au mouvement léger de ses mains, qui te déboutonnent la chemise, te caressent la poitrine, cherchent ton dos, s’enfoncent sur lui. Toi aussi, tu murmures cette chanson sans paroles, cette mélodie qui sort sans peine de ta gorge; ils tournent tous les deux, chaque fois plus près du lit; tu étouffes la chanson murmurée avec tes baisers affamés sur la bouche d’Aura, tu arrêtes la danse avec tes baisers empressés sur les épaules, les seins d’Aura.
Tu as la robe vide d’Aura entre les mains. Aura, accroupie sur le lit, place cet objet contre les cuisses fermées, le caresse, t’appelle avec la main. Elle caresse ce morceau de farine mince, elle l’effrite sur ses cuisses, indifférente aux miettes qui roulent sur ses hanches; elle t’offre la moitié de cette sorte de galette que tu prends, que tu portes à la bouche en même temps qu’elle, que tu avales avec difficulté; tu tombes sur le corps nu d’Aura, dans ses bras ouverts, étendus d’un extrême à l’autre du lit, ainsi que le christ noir qui pend du mur avec son pagne de soie écarlate, ses genoux écartés, son flanc blessé, sa couronne de bruyère montée sur la perruque noire, entremêlée, emmêlée avec des paillettes d’argent. Aura s’ouvrira comme un autel