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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quel livre étrange et splendide!
Ce n'est pas un roman policier et pourtant les crimes sont au coeur du récit.
Ce n'est pas une description de Rome et pourtant quelques lieux de Rome et surtout de ses environs prennent une consistance forte.
C'est une oeuvre de Carlo Emilio Gadda, parue en 1957 sous sa forme définitive et dont une nouvelle traduction, due à Jean-Paul Manganaro, vient de paraître. Je découvre cet auteur à travers ce roman, et la découverte est belle, sombre aussi.
L'action se situe donc à Rome, en 1927, cinq ans après le début du fascisme mussolinien. le crime perpétré est le point de rencontre entre la bourgeoisie et les milieux populaires. Entre les deux, les forces de l'ordre (on devrait dire de l'Ordre), divisées en policiers et carabiniers. Chaque lieu et chaque personnage possède une densité et une identité forte. Et comme une ombre tutélaire et grotesque, le dictateur que Gadda afflige d'une multitude de sobriquets dévastateurs avec une inventivité jouissive.
Car la prose que nous restitue Jean-Paul Manganaro est d'une richesse époustouflante, remplie de trouvailles, de détournements de sens, de mots inventés, de références littéraires ou picturales. L'accès à ce livre n'est donc pas très aisé. D'autant plus que le traducteur, pour rendre la diversité linguistique de l'original, recrée des parlers populaires auxquels il faut s'adapter.
Mais si l'on arrive à plonger dans cet écheveau et à en démêler quelques fils (il faut renoncer à tout comprendre à la première lecture), on est invité à un festin littéraire de très haut niveau. En tout cas, je me suis régalé.
Un conseil pour finir: ne lisez pas l'introduction de Jean-Paul Manganaro avant le roman, mais après.
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Ce roman est sans aucun doute le livre italien dont la lecture en version originale a été la plus ardue pour moi jusqu'ici ! Et pour cause. D'une part, avec Carlo Emilio Gadda, tout est prétexte à de délicieuses digressions. D'autre part, ce roman n'est pas écrit en italien mais s'adapte au dialecte des personnages et donc essentiellement en "romain". Quel voyage ! On s'y croirait !
L'intrigue, par ailleurs, consiste en deux vols de bijoux dont le second associé à un meurtre, à via Merulana 219. Don Ciccio, qui était régulièrement reçu chez la victime, est chargé de l'enquête. L'histoire va donc nous emporter dans les méandres de la campagne romaine, le long de la via Appia. Si l'on n'aura aucune certitude quant à l'identité du coupable en refermant le livre, on n'en aura pas moins passé un excellent moment.

Challenge XXème siècle 2022
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Comme propos liminaire au roman j'aimerais m'attarder sur la traduction du titre Quer pasticciaccio brutto de via Merulana, rendu par l'Affreux pastis de la rue des Merles. le terme pastis est trop inusité dans l'acception présente, et traduire le nom de la rue en français est maladroit. Je préfère la nouvelle traduction, plus congrue, l'Affreuse embrouille de via Merulana. Ma critique a donc pour objet la traduction de 1963, une nouvelle ayant été éditée en 2018. Passons.

Rome. 1927. Dress code : chemise noire. C'est moins salissant. Au 219 via Merulana se dresse un immeuble bourgeois (escalier A pour les gens de condition, escalier B pour le reste) sans charme. Un jour une vieille dame est victime d'un cambriolage par une personne soi-disant missionnée pour vérifier le bon fonctionnement des radiateurs. Grand émoi dans le bâtiment. Plus incroyable encore, peu de temps après, on retrouve la voisine du même pallier atrocement assassinée, presque décapitée, lardée de plusieurs coups de couteau. La police enquête.

Mais là n'est pas le propos. Ceci n'est pas un roman policier, ce n'est pas la matière de l'oeuvre. Et matière il y a. Carlo Emilio Gadda va travailler, tel un potier son argile, la nature même du langage. Il emploi d'abord à sa fantaisie cinq ou six dialectes régionaux italiens (la traduction s'efforce d'en rendre les particularismes, mais c'est assurément plus savoureux dans l'original) et pas l'Italien académique toscan, ce qui exige peut être même plus d'effort pour les italophones. Il balaye toutes les formes langagières. L'argot alterne avec des mots savants, scientifiques - d'un pédantesque Joycien. Rassurez vous cependant, c'est lisible et articulé, vous n'êtes pas en présence d'une mouture transalpine de Finnegans Wake. le texte est parsemé de locutions latines mais aussi de grec ancien incompréhensible du commun des lecteurs, d’archaïsmes, sans oublier quelques assertions en langues européennes. Gadda oralise les mots, il phonétise des parties du discours; comme le fera après lui Raymond Queneau. Il n'est pas avare de néologismes, et a recours, avec bonheur, au pastiche, de Joyce donc, mais aussi de Rabelais et certainement d'autres auteurs, allez-y voir. Il n'oublie pas de ridiculiser allusivement le duce.

Ce texte est réputé comme un des sommets de la littérature italienne du XXème siècle. C'est une oeuvre baroque et protéiforme. Elle est la manifestation que tout est permis en littérature, hormis la médiocrité. C'était un roman dont j'attendais beaucoup. Il m'a fallu saisir la tournure d'esprit, jouer le jeu. Je penses que c'est une de ces oeuvres qui perd un peu de son sel à la traduction.
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